Le Top 10 de la Rédaction des films sortis en 2024

Le 16 janvier 2025

Après moult calculs très savants, la rédaction de Ciné-Feuilles a tranché et vous présente son Top 10 2024! En complément à ce Top 10 qui tend à mettre en avant des films appréciés mais aussi largement visionnés au sein de l’équipe, chaque critique vous propose un coup de cœur de l’année 2024 à (re)découvrir. 


1. The Substance de Coralie Fargeat 

(Royaume-Uni/USA/France).

2. Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof 

(Iran).

3. La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer 

(USA/Royaume-Uni/Pologne).

4. N'attendez pas trop de la fin du monde de Radu Jude 

(Roumanie/Luxembourg/France/Croatie).

5. Le Mal n'existe pas de Ryusuke Hamaguchi 

(Japon).

6. L'Histoire de Souleymane de Boris Lojkine 

(France).

7. Love Lies Bleeding de Rose Glass 

(USA/Royaume-Uni).

8. Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos 

(USA/Royaume-Uni/Irlande).

9. Les Colons de Felipe Gálvez Haberle 

(Chili/Argentine/France/Taïwan/Royaume-Uni/Danemark/Suède/Allemagne/USA).

10. Les Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan 

(Turquie).


Marvin Ancian

Flow de Gints Zilbalodis, Lettonie/France/Belgique, 2024

L’œil dans le rétroviseur de 2024, Flow est sans conteste l’un des moments marquants de l’année. Visuellement tout d’abord. Une animation bluffante aux mouvements de caméra d’une fluidité à toute épreuve. Par son récit ensuite. Une déambulation muette emplie de poésie dans un univers inondé où toute vie humaine a disparu. Une épopée entre un capybara, un lémurien, un chien et un chat (voire une baleine) évitant un anthropomorphisme bien souvent dérangeant. Une aventure onirique, entre fantasme et réalité, au service d’un message sur l’état du monde percutant et émouvant. Bref, difficile de ne pas être embarqué par la fraîcheur de ce courant.

Noémie Baume

Blackbird Blackbird Blackberry d’Elene Naveriani, Suisse/Géorgie/Allemagne, 2023

Avec ce second long métrage très abouti sur le plan formel, la réalisatrice Elene Naveriani - notamment formée à la HEAD de Genève - nous livre le portrait d’une femme qui découvre sur le tard l’amour dans ce qu’il peut avoir de passionnel, et se voit ainsi contrainte à renoncer à une partie de son indépendance.

Une fiction qui offre aussi une peinture réaliste, sans pour autant tomber dans une forme de cynisme, d’une vie villageoise où la sociabilité est teintée d’un penchant à juger avec sévérité tout ce qui peut s’écarter de la norme, à commencer par les choix de vie d’Etero. On en retiendra la prestation remarquable d’Eka Chavleishvili dans le rôle principal, et surtout: des plans composés avec soin, qui font tableaux et donnent à ce film une saveur si particulière.

Marco Danesi

Riverboom de Claude Baechtold, Suisse, 2023

À la manière d’un album redécouvert dans un tiroir oublié, Riverboom raconte le périple de trois casse-cou en Afghanistan en 2002. À l’époque, cinéaste improvisé, Claude Baechtold a confectionné, vingt ans plus tard un film à la première personne, drôle et mélancolique à la fois. L’auteur y déroule à la vitesse grand V les aventures journalistiques de Serge, grand reporter, et Paolo, photographe de guerre, qui l’ont embarqué dans l’équipée à l’insu de son plein gré, alors que Claude vient de perdre ses parents dans un accident. Au bout du compte, Riverboom donne à voir un journal de bord chaotique et jouissif où les drames personnels croisent la grande histoire dans le souvenir apaisé du passé.

Kim Figuerola

No Other Land de Basel Adra, Yuval Abraham, Hamdan Ballal et Rachel Szor, Palestine/Norvège, 2024

No Other Land est profondément bouleversant. Réalisé par un collectif de quatre activistes palestino-israéliens, ce documentaire déjoue une certaine représentation manichéenne du conflit au Proche-Orient. Alors que tout les oppose, ils collaborent afin de rendre compte de la colonisation et de la destruction de plusieurs villages autochtones de Masafer Yatta, dans les collines du sud d’Hébron (Cisjordanie). Des actes d’agression d’une violence inouïe perpétrés par des colons israéliens et par le Tsahal qu’Adra enregistre sur son téléphone. Celui-ci devenant son outil de combat, sa caméra de poing, les images qu’il diffuse sur les réseaux sociaux dévoilent ainsi la nécropolitique de la Knesset.

Emilie Fradella

Augure de Baloji Tshiani, Belgique/Pays-Bas/République démocratique du Congo, 2023

Choisi pour représenter la Belgique à la cérémonie des Oscars 2023 sans passer la sélection officielle; le premier long métrage du réalisateur belgo-congolais Baloji demeure une œuvre singulière dans le spectre cinématographique contemporain, justifiée par une liberté de représentation remarquable. Intégrant des sujets complexes, comme la mémoire postcoloniale et le racisme interethnique, Augure passe au travers d’une image classique de la violence systémique, où Baloji réussit à ouvrir un dialogue halluciné, constamment et forcément influencé par l’histoire d’un Congo qu’il manipule. C’est une conversation entre plusieurs entités pour le moins réussie que nous propose le cinéaste de 46 ans, remportant l’année dernière avec ce film, le Prix Un certain regard au Festival de Cannes.

Amandine Gachnang

Des Teufels Bad de Veronika Franz et Severin Fiala, Autriche/Allemagne, 2024

Se basant sur des recherches historiques exposant une pratique tragique, sombre et cependant méconnue observée en Europe germanophone entre le 17e et 18e siècle, Des Teufels Bad aborde magnifiquement le thème de la différence et de la dépression. On y suit Agnes, une femme qui remet en question le carcan religieux et familial de la société autrichienne de l’époque et devra se résoudre à un acte extrême pour s’en sortir. Malgré son cadre temporel et géographique précis, le film dépeint de manière universellement reconnaissable la souffrance émotionnelle et le sentiment de rejet ainsi que la violence qui les accompagne. Une œuvre à la fois douce et cruelle, contemplative et percutante.

Julien Norberg

Portraits fantômes de Kleber Mendonça Filho, Brésil, 2023

Portraits fantômes conte au présent les ectoplasmes du passé gravés sur pellicule. Revenant dans sa ville natale Recife, capitale de l’Etat du Pernambouc, Mendonça Filho filme avec nostalgie la disparition du tissu social de son quartier ainsi que des cinémas qui composaient l’offre culturelle de la ville. Entre les glorifications conservatrices d’un passé (les salles de cinéma deviennent une église où l’image représenterait la déité devant laquelle le public courbe l’échine) et la documentation d’une mutation socio-économique d’une ville riche en histoire, Portraits fantômes est une œuvre paradoxale, mais passionnante sur la néolibéralisation d’une cité du Sud global.

Blaise Petitpierre

Blue & Compagnie de John Krasinski, USA, 2024

Ne vous fiez ni à l’affiche abjecte, ni à la bande-annonce générique, ni au titre francophone opportuniste. Très mal marketé, Blue & Compagnie s’avère pourtant être une véritable pépite de cinéma douce-amère, qui aborde des questions graves sous ses airs de comédie fantastique. Le scénario habilement construit est magnifiquement illuminé par le chef-opérateur Janusz Kamiński, pour un film qui rappelle les meilleurs divertissements familiaux des années 1990. Il y est question d’une jeune fille qui va reconnecter chaque enfant à son ami imaginaire oublié. Le réalisateur John Krasinski réussit la fusion parfaite entre Spielberg et Pixar!

Tobias Sarrasin

Los delincuentes de Rodrigo Moreno, Argentine/Luxembourg/Brésil/Chili, 2023

Il aura fallu attendre le 25 décembre pour voir sortir le plus beau film de l’année 2024 dans les salles romandes! Véritable cadeau de Noël, Los delincuentes fait pourtant peu de bruit. Une discrétion accompagne sa sortie et sied d’ailleurs parfaitement à l’esthétique calme et souveraine qu’il met en place. Narrant le braquage de banque le plus nonchalant de l’histoire du cinéma, le film arrête le temps et observe tranquillement les pérégrinations bucoliques de ses personnages. Son réalisateur, Rodrigo Moreno, leur offre une utopie le temps d’un film, un contre-monde où la douceur est reine, loin de l’agitation et de la nervosité du monde contemporain. Aussi, son style modulable et souple est autant propice à la captation documentaire qu’à la fabrique du romanesque. Une œuvre gracieuse et gracile, qui expose une fois de plus les charmes du cinéma argentin contemporain - avec Los tonos mayores, présent également dans mon top. Puissent les quelques «happy few» qui le verront s’en délecter!

Sabrina Schwob

Manga D’Terra de Basil Da Cunha, Suisse/Portugal, 2023

Rosinha (Eliana Rosa, compagne du cinéaste Basil Da Cunha) quitte le Cap-Vert et ses deux enfants, restés avec sa mère, pour s’installer en périphérie de Lisbonne, à Riboleira (dont les résidents sont essentiellement issus de l’immigration), pour trouver du travail. L’eldorado espéré s’avère fatalement décevant et les rapports sociaux, en partie cruels et intéressés, conduiront Rosinha à une lente descente aux enfers, dont l’échappatoire, onirique d’abord, concrète ensuite, semble être la musique et le chant, qui envoûtent aussi bien les personnages que le public.

Philippe Thonney

Juré n°2 de Clint Eastwood, USA, 2024

Était-ce le dernier film de Clint Eastwood? À 95 ans, c’est possible. Mais c’était, à coup sûr, son grand retour après quelques œuvres moins intéressantes et, disons-le, indignes de lui telles que Le 15 h 17 pour Paris ou Cry Macho. Il retrouve ses marques de fabrique, son sens du récit, du rythme et de la direction d’acteurs. Alors certes, en voyant ce film, les cinéphiles ne manqueront pas d’avoir en tête Le Septième juré de Georges Lautner qui racontait en 1962 la même histoire. Toutefois, Eastwood rappelle à notre mémoire son brio, que Juré n°2 soit ou non son testament cinématographique.