Le Petit Entretien : Laura Wandel

Le 11 mai 2022

Présenté au dernier Festival de Cannes, Un monde est le premier long métrage de Laura Wandel. Après son court métrage Les Corps étrangers, la réalisatrice belge livre une œuvre poignante filmée à hauteur d’enfant et jouant continuellement sur l’hors-champ. Nous avons profité de sa venue lors de l’avant-première du film au Cinéma City Club de Pully pour lui poser quelques questions.

 

 

Pourquoi avoir choisi daborder le thème du harcèlement scolaire pour votre premier film?

Plus que le harcèlement scolaire, c’est le milieu de l’école qui m’intéressait. C’est un lieu que nous avons tous connu, où nous avons passé toute notre enfance. Cela ancre quelque chose en nous et ça détermine fortement notre manière d’être dans la société, notamment dans notre rapport aux autres. J’avais envie de partir du point de vue d’une enfant qui sort du cocon familial et qui entre à l’école parce que ce sont les premières confrontations aux enjeux d’intégration, au besoin de reconnaissance qu’on va retrouver durant toute notre vie d’adulte.



Comment vous y êtes-vous prise pour recréer lunivers scolaire?

Comme je ne pouvais pas partir uniquement de mes souvenirs personnels, j’ai beaucoup observé ce qu’il se passait dans les cours de récréation, notamment à quoi jouent les enfants. J’avais une volonté de rendre le récit le plus universel possible. J’ai aussi interrogé des instituteurs, des directeurs d’école, des enfants. Enfin, j’ai rencontré un psychopédagogue, Bruno Humbeeck, qui est spécialisé sur la question du harcèlement à l’école.



Comment sest fait le choix dadopter le point de vue du personnage de Nora?

En visionnant beaucoup de films qui parlent de violence à l’école, il m’a semblé qu’on montrait soit le point de vue du bourreau, soit celui de la victime, mais rarement celui du témoin. Pourtant, il est très violent. Et d’autant plus dans le cas de ce film dans lequel il y a une question de loyauté entre frère et sœur. J’ai également fait ce choix pour rapprocher le spectateur de ce statut, puisque lui-même est dans une position de témoin.



À quel moment du projet vous est venue lidée de filmer à hauteur denfant

Dès le départ. En écrivant le scénario, j’avais en tête ces images. Mon objectif avec ce film était aussi de confronter le plus possible le spectateur à sa propre enfance et de le mettre au niveau de l’enfant, qu’il ait une vision assez limitée sur les choses.



Comment sest déroulé le casting avec les enfants

Je ne leur avais pas demandé de préparer de scène, j’avais simplement envie de voir ce qu’ils dégageaient face à la caméra. Je leur ai demandé de dessiner leur cour de récréation et de m’expliquer les jeux auxquels ils jouaient. Pendant les trois mois de travail avant le tournage, je leur ai demandé de créer la marionnette de leur personnage afin qu’ils fassent la distinction entre ce personnage et eux. Je leur expliquais également le début d’une scène et leur demandais ce qu’il pouvait se passer ensuite. Puis, je leur demandais d’improviser afin qu’ils proposent des dialogues. Souvent, je réécrivais les scènes après, parce qu’ils proposaient souvent des choses beaucoup plus intéressantes.



Les adultes sont peu présents à l’écran, pour quelle raison?

C’était encore une fois pour rester dans la vision de l’enfant. L’adulte qu’on voit le plus est la professeure, madame Agnès. Elle est celle qui est la plus à l’écoute de Nora, qui se met vraiment à sa hauteur. Je n’avais vraiment pas envie de poser un regard de jugement sur la façon dont les adultes réagissent. J’avais envie de les montrer démunis et ne sachant pas toujours quoi faire. Et surtout, ils sont eux-mêmes pris par le temps et par la machine de l’école qui est basée sur la performance.



Sortie romande du film : le 1er mai

Propos recueillis par Marvin Ancian