L'édito de Adrien Kuenzy - Le détail qui tue

Le 23 février 2022

On reproche souvent aux dialogues contenus dans les films d’être trop explicatifs, aux gestes de manquer de naturel. L’excès et le mauvais goût sont plus aisés à décrire. Le contraire l’est souvent un peu moins. Surtout quand la magie opère dans une étonnante sobriété, au travers d’un détail (qui tue). Encore quelques jours pour découvrir, à la Cinémathèque suisse, un cycle consacré au nouveau cinéma nordique, avec de nombreuses perles brillantes de modestie, et dont la retenue, le silence et l’étrangeté provoquent des émotions opposées, successivement ou en même temps, mais toujours qui s’harmonisent le temps du film. Ainsi l’ennui anime le rire, le dégoût génère la beauté. Encore plus connu: la peur se mue en curiosité. L’exercice est sans fin.

La filmographie du Suédois Roy Andersson est un des exemples magnifiques qui révèlent toujours les antagonistes dans d’innombrables plans-séquences. Toute la splendeur qu’on trouvera dans Chansons du deuxième étage (2000) ou Nous, les vivants (2007), alors qu’une société à l’agonie côtoie de près le sublime paradis (si si). Derrière des actions simples en apparence, comme attendre un bus dans le froid, se cache aussi l’obsession d’un cinéaste consacrant son temps à l’élaboration de chorégraphies et de plans fixes dont l’esthétique est irréprochable. Toujours au service de sentiments ambivalents contenus chez ses personnages, jusqu’à déteindre sur le spectateur.

Sur notre couverture, un homme vêtu de peaux de bêtes dans un supermarché. Wild Men du Danois Thomas Daneskov, à découvrir en salle dès le 2 mars, aurait aussi trouvé sa place dans le cycle. Ici l’humour absurde décortique notre monde, renvoyant à l’envie, tout à fait banale, de faire sa place dans une société en crise. Et quoi de mieux que la «bizarrerie», la «noirceur» ou «l’impertinence» - pour reprendre les termes de notre critique qui a tant apprécié le récit - pour délivrer au public une réflexion qu’il mérite?