L'édito de Anthony Bekirov - Le cinéma comme volonté et représentation

Le 22 mars 2023

Arthur Schopenhauer (1788-1860) est un nom incontournable de la philosophie occidentale. Et tout occidental qu’il était, il n’en restait pas moins fasciné par les pensées orientales, notamment sur la question complexe de la volonté. Dans son magnum opus « Le Monde comme volonté et représentation », il attribue à l’art un pouvoir non négligeable, celui de suspendre notre volonté individuelle. Pourquoi est-ce que cela important ? Car, argue-t-il, notre volonté est indissociable de la représentation que nous nous faisons du monde. Ma volonté = ma représentation. Autrement dit, aussi longtemps que je ne me rends pas compte que ce que je crois être « le monde », ou « la réalité », n’est rien d’autre qu’une représentation que je veux m’en faire, je demeure égoïste, égocentrique, et nie la valeur de l’expérience d’autrui. La représentation est donc problématique car elle est un voile, un compromis que le sujet noue avec le réel pour éviter de sortir du confort de son individualisme. Du moment, toutefois, que l’on est capable de suspendre même temporairement sa volonté individuelle, alors on arrête de se re-présenter le monde, et l’on commence à apercevoir comment le monde se présente. C’est-à-dire, comme une réalité unique traversée par un désir de vie sans discrimination, traversée aussi par une même profonde souffrance qui est le socle d’une communauté interpersonnelle. Le degré d’intensité de la représentation est donc la mesure sûre du degré d’égoïsme délétère. Les conclusions à suivre sont au soin des lecteurs.