L'édito de Adèle Morerod - L’acte créateur célébré

Le 10 février 2021

Deux festivals - qui ont, circonstances obligent, déplacé leurs programmations en ligne - viennent gonfler la voilure de Ciné-Feuilles pour ce nouveau numéro. Si Black Movie célèbre le cinéma indépendant international et les Journées de Soleure le cinéma suisse, tous deux ont fait la part belle aux réalisatrices en leurs consacrant sélections, honneurs et prix. Et dans nos pages, elles redonnent vie à des formes d’histoire oubliées (Eine andere Geschichte de Tula Roy ou Il valore della donna è il suo silenzio de Gertrud Pinkus), explorent les lignes du rêve, de la relation à soi et aux autres en animation (The Edge de Zaide Kutay et Géraldine Cammisar ou Huis clos de Nina Winiger, pour ne citer qu’elles). Ou alors, elles sont héroïnes des œuvres et osent la révolte et la violence comme dans le décalé Ulbolsyn du réalisateur kazakh Adilkhan Yerzhanov.

Les explorations animées se poursuivent avec les dessins de la série L'Attaque des Titans, adaptation d’un manga aux accents d’apocalypse sans cesse rejouée, qui remet en question nos conceptions manichéennes du monde. La face d’ombre de l’humanité, ses lâchetés, son absurdité sont tout aussi brillamment épinglées dans l’œuvre d’Henri-Georges Clouzot, de Quai des Orfèvres au Salaire de la peur, sans que la tendresse ne disparaisse totalement. Un geste d’adaptation, de réappropriation des récits littéraires qui rend encore visibles (et inoubliables) aujourd’hui les potentialités du cinéma en termes d’atmosphère, de jeu d’acteur, de suspense.

Et puis place à la musique, avec À chœur ouvert, mini-série documentaire revenant sur la constitution d’un groupe de gospel interculturel. Si la présentation des interprètes et de leurs parcours prend le pas sur les scènes chantées, il n’en est pas de même dans le portrait de Paul Nizon, fait par Christoph Kühn. Là, les expériences de l’auteur nourrissent l’œuvre littéraire, presque autant que le contraire, tant l’écrivain joue à s’identifier à certaines figures mises en scène dans ses livres. Une vie qui n’aura renoncé ni à s’engager, ni à explorer les marges: une belle promenade aux accents de liberté.

Adèle Morerod