Instantanés de Marcel Schüpbach

Le 16 septembre 2020

Qu’il est passionnant de découvrir la genèse d’une vocation et ensuite son déploiement, comme y invitent les récents Instantanés de Marcel Schüpbach.[1]

Le cinéaste suisse, né en 1950 à Zürich, s’est notamment fait remarquer par son film L’Allègement (1983), tiré du roman de Jean-Pierre Monnier et sélectionné au Festival de Locarno où il obtînt le Grand Prix du Jury des jeunes, mais également par ses documentaires. Ainsi Violon passion, relatant la relation de Pierre Amoyal à son Stradivarius, remporta un FIPA d’or au Festival international des programmes audiovisuels et B comme Béjart (2001) ou La Liste de Carla (2005), consacré à l’indomptable et persévérante Carla Del Ponte, procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, rejoignirent un large public. Aujourd’hui, ses fragments littéraires permettent de rencontrer l’homme derrière la caméra, pour qui tout a commencé au Belvédère. A cette époque, après avoir insisté, le gymnasien de dix-sept ans obtient du directeur l’autorisation de participer à la Semaine d’études cinématographiques de Leysin pour y présenter son premier court-métrage. Les dés sont jetés, sans que le jeune Marcel ne soit pleinement conscient qu’il engage là tout son avenir.

Aussi revient-il, dans plus de vingt récits bien enlevés, sur ses rencontres fortes, sans masquer ni ses échecs ni ses réussites, tout en croisant au passage quelques monstres (Béjart, Chessex, Del Ponte). Toutefois, ce sont plutôt les femmes et les hommes moins connus qui retiennent l’attention et atteste de la manière délicate du cinéaste d’entrer en relation. Quelques mots, une ou deux anecdotes, une image imprimée dans la rétine (« un pijama Calida vert bouteille ») jouent le rôle de révélateur photographique et l’instantané d’apparaître. Par exemple, on rejoint ainsi le metteur en scène Luc Bondy dans l’appartement de Berlin où il vient d’emménager, Ruth, pensionnaire de la prison de La Tuilière à Lonay qui rayonne en parlant de son petit Marco, George Robert, saxophoniste alto de jazz et directeur de l’EJMA, que la mort emportera avant le tournage projeté ensemble. Au détour des pages, le cinéaste évoque ses nombreux apports à l’émission Temps présent de la Télévision suisse romande, et ses échos, tel le courrier reçu un jour de Lorena, petite greffée du cœur devenue grande et voulant devenir monteuse. « Chaque tournage, chaque montage, est une expérience collective », écrit Marcel Schüpbach, dont les réalisations sont empreintes d’une humanité qui leur confère une immense valeur.

Serge Molla


[1] Marcel Schüpbach, Instantanés. Récits, Orbe, Ed. Bernard Campiche, 2020, 150 p.