Cleveland contre Wall Street

Affiche Cleveland contre Wall Street
Réalisé par Jean-Stéphane Bron
Pays de production France, Suisse
Année 2010
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Les Films du Losange
Acteurs Barbara Anderson, Keith Taylor, Michael Osinski, Tony Brancatelli, Peter Wallison
Age légal 7 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 615
Bande annonce (Allociné)

Critique

En janvier 2008, Josh Cohen et ses associés, avocats de la ville de Cleveland, assignent en justice les vingt et une banques qu’ils jugent responsables des saisies immobilières dévastant leur ville. Mais les banques de Wall Street qu’ils attaquent s’opposent par tous les moyens à l’ouverture d’une procédure.

Ce film raconte l’histoire d’un procès qui aurait dû avoir lieu. Un procès de cinéma dont l’histoire, les protagonistes et leurs témoignages sont bien réels. Les banques font tout pour que le procès n’ait pas lieu, mais le cinéaste a choisi de le reconstituer fictivement en faisant appel aux véritables acteurs de l’affaire. Son film fonctionne sur le principe de la confrontation des points de vue des deux parties. Rien à voir donc avec Michael Moore que Jean-Stéphane Bron ne considère d’ailleurs pas comme un modèle à suivre.

On retrouve dans cette intrigue politico-économico-financière, d’ailleurs tout à fait d’actualité, ce côté didactique et en même temps attrayant qui avait déjà fait le succès du GENIE HELVETIQUE, ce documentaire réalisé par le cinéaste suisse en 2003. En appréciant à leur juste valeur les interventions musclées de Barbara Anderson, dans le rôle d’une militante exemplaire du combat anti-subprimes, on regrettera cependant que ce film ne soit pas plus aéré, le poids des nombreuses séquences tournées dans la salle de tribunal se faisant de plus en plus sentir au fil des minutes. Nous reviendrons plus longuement sur cette œuvre lors de sa prochaine sortie sur nos écrans.

Note: 14



Georges Blanc







Bien reçu lors de sa présentation à Cannes (Quinzaine des réalisateurs), le film du cinéaste lausannois Jean-Stéphane Bron met en scène un procès (fictif) intenté par plusieurs victimes américaines des «subprimes» contre des banques de leur pays. A la fois fiction et documentaire CLEVELAND CONTRE WALL STREET est un film fort, dense et très original.

Auteur du GENIE HELVETIQUE (2003), Jean-Stéphane Bron s’est passionné pour la crise financière des «subprimes»: «On pouvait aborder cette crise comme une simple fresque, dit-il. J’ai préféré regarder comment était fabriquée la bombe, et comment les ingénieurs l’avaient mise au point.»

En janvier 2008, les autorités de la ville de Cleveland (Ohio) portent plainte contre 21 des plus grandes banques américaines: elles les assignent en justice, les considérant comme responsables des 20’000 saisies immobilières dont ont été victimes les habitants de la cité. Cette démarche juridique n’a pas abouti à ce jour, les avocats de Wall Street ayant toujours trouvé la parade permettant d’empêcher toute ouverture d’une procédure, donc d’un procès.

Ce procès, Jean-Stéphane Bron a voulu le mettre sur pied et le raconter. Il a d’abord pris contact avec Barbara Anderson, résistante et militante du combat contre les banques incriminées, puis il a retrouvé les vrais avocats de la ville de Cleveland (Josh Cohen et ses associés), et aussi quelques vrais propriétaires qui ont perdu leurs maisons. Un juge (Thomas J. Pokorny) a accepté d’organiser et de présider les séances du «tribunal», tandis qu’un autre avocat (Keith Fisher) s’est chargé - par conviction et par défi intellectuel, selon le cinéaste - de la défense des banques.

Même s’il y a donc une grande part de mise en scène (et de fiction), le film se situe dans le registre du documentaire: les protagonistes ne jouent pas un rôle, ne sont pas des «acteurs». Tant les témoins que les avocats ne disent pas un texte, mais expriment leur vécu, leurs avis personnels, spontanément et vivement. Toutes les personnes amenées à comparaître (policier chargé des expulsions, courtier, propriétaires, conseiller municipal de la ville, conseiller de l’ancien président Reagan, etc.) répondent aux questions des avocats des deux parties. Chacun est parfaitement à sa place, et les interventions, concises et denses, surprennent et émeuvent.

La mise en scène est parfaitement maîtrisée et l’on oublie qu’il s’agit de «cinéma». Un tel dispositif permet au spectateur de comprendre - de l’intérieur - comment a fonctionné le mécanisme de la crise, comment des particuliers ont perdu leur maison parce qu’ils se sont retrouvés piégés par des prêts exorbitants, piégés par des courtiers eux-mêmes trompés à leur tour par le système financier mis en place. Une crise que l’on peut aussi définir comme le produit de la dérive d’une politique sociale ambiguë visant à (trop) faciliter l’accès à la propriété.

La démarche du réalisateur est remarquable et originale. La tension, tout au long du film, ne faiblit jamais. Le montage est précis, les séquences du procès s’accompagnent de plusieurs interviews (hors tribunal) et de nombreuses images de maisons abandonnées, taguées, vandalisées. Enquête qui met en évidence une chaîne de responsabilités, confrontation de deux points de vue, le film se conclut sur les délibérations des huit membres du jury qui doivent trancher entre l’abus de confiance de la part des banques ou la responsabilité engagée des victimes. Le spectateur appréciera cet ultime échange verbal, et le verdict des jurés…

Note: 18



Antoine Rochat

Ancien membre