The Ghost Writer

Affiche The Ghost Writer
Réalisé par Roman Polanski
Pays de production France, Allemagne, Grande-Bretagne
Année 2010
Durée
Musique Alexandre Desplat
Genre Thriller
Distributeur Pathé Distribution
Acteurs Pierce Brosnan, Ewan McGregor, Timothy Hutton, Olivia Williams, Kim Cattrall
N° cinéfeuilles 610
Bande annonce (Allociné)

Critique

Après le pénible arrosage médiatique, quel soulagement d’oublier les aventures judiciaires de Roman Polanski pour retrouver la patte de l’artiste! Son nouveau film est un exemple de maîtrise.

Il n’a pas de nom. Appelons-le le «nègre» (Ewan McGregor), puisque c’est son métier. Ce célèbre nègre littéraire anglais vient d’accepter d’entrer au service de l’ancien premier ministre britannique Adam Lang (Pierce Brosnan), désormais retiré sur une île, au large de la côte Est des Etats-Unis. Lang avait commencé de rédiger ses mémoires, mais l’écrivain qui s’y employait a été retrouvé noyé dans des circonstances étranges.

THE GHOST WRITER est d’abord un roman policier du journaliste anglais Robert Harris, L’homme de l’ombre, paru chez Plon en 2007. L’écrivain et le cinéaste travaillaient ensemble à un autre projet pendant l’écriture de ce roman que Polanski a influencé, selon Harris. Jusqu’au jour où le cinéaste a préféré abandonner leur premier projet pour adapter le nouveau livre.

Le romancier s’est basé sur sa bonne connaissance du milieu politique anglais pour écrire cette fiction sur la façon dont les gens vivent lorsqu’ils subissent en permanence une protection rapprochée. «Ce qui m’a intéressé, c’est de capter une quantité infinie de petits détails plutôt que d’obtenir une approche globale du pouvoir. C’est tout cela qui renseigne sur la manière dont les personnes vivent dans ce milieu.»

Polanski et Harris ont écrit le scénario ensemble. Le cinéaste a fait le reste avec ce qu’il a de meilleur, son art de peindre l’exil, le doute, l’absurde, l’anxiété, la menace. Sa palette est magnifique. Le choix du décor par exemple, un bord de mer vide, sans rien qui protège, mais dont on sait qu’on y a retrouvé un cadavre. Les couleurs, dévolues au gris, concèdent un peu d’ocre aux herbes folles d’arrière-automne. La musique d’Alexandre Desplat ne fait jamais d’annonces fracassantes, mais s’invite aux bons moments, en petits rythmes pimentés. Les plans sont habités de mystère, les dialogues écrits avec les ciseaux… Tout ici est pesé, mesuré pour ne dire que l’essentiel.

Et l’essentiel, c’est peut-être la solitude, l’exil de l’être humain, quelle que soit sa condition. Ici, deux hommes se confrontent. Ils se situent l’un et l’autre aux antipodes de la reconnaissance sociale. Il y a celui qui porte un nom, le ministre, et celui qui n’en a pas, le nègre. A première vue, tout les oppose, sinon que chacun croit tenir l’autre à travers l’enjeu que représentent les «mémoires» à écrire. Mais Polanski, et avant lui Robert Harris, mettent en lumière à quel point l’un et l’autre sont emportés, retournés, par des événements qui leur échappent. «J’aime la manière dont un homme ordinaire se retrouve plongé dans un monde où il perd ses repères», explique l’écrivain. On sent que cette affirmation concerne profondément le réalisateur.

La perte de repères? THE GHOST WRITER est un film policier au rebours du couple sang et feu habituel. Tout y est propre, nu, sans aspérités et pourtant transpirant d’angoisse. Non pas à cause des tueurs embusqués, mais à cause de l’impossibilité de maîtriser son propre destin.

Geneviève Praplan