Mariage de Tuya (Le)

Affiche Mariage de Tuya (Le)
Réalisé par Wang Quan’an
Pays de production Chine
Année 2006
Durée
Genre Drame
Distributeur Pretty Pictures
Acteurs Yu Nan, Bater, Sen'ge, Zhaya, Baolier
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 554
Bande annonce (Allociné)

Critique

Troisième film du cinéaste chinois Wang Quan’an, LE MARIAGE DE TUYA se présente comme un tableau de la vie quotidienne des bergers de Mongolie Intérieure. Des hommes et des femmes qui s’efforcent de (sur)vivre aux frontières septentrionales de la Chine. Coup de projecteur sur un monde tiraillé entre tradition et modernité, voici un film très réussi (Ours d’Or à Berlin, 2007).

Le cinéma chinois évolue. Après les reconstitutions historiques et les grandes fresques collectives de Zhang Yimou ou de Chen Kaige, voici une nouvelle génération de cinéastes dont les premiers films datent des années ayant suivi les événements de Tian’anmen (1989). Des films plus personnels, en prise directe avec la réalité quotidienne du pays.

Réalisé en Mongolie chinoise, LE MARIAGE DE TUYA mêle éléments documentaires et fiction, dans un tableau d’un mode de vie que l’on sent en train de disparaître. Le cinéaste a choisi de tourner dans une bergerie, avec des acteurs non professionnels, à l’exception de Yu Nan, actrice talentueuse qui incarne l’héroïne principale. LE MARIAGE DE TUYA témoigne de l’évolution rapide de la Chine, des difficultés de cette mutation, tant économique, sociale que culturelle.

Tuya, jeune et belle femme, s’occupe de Bater, son mari infirme (il a eu un accident). Elle se bat pour faire vivre ses deux enfants et travaille dur à l’élevage d’un très grand troupeau de moutons, seule ressource de la famille. L’absence d’un homme dans le travail quotidien va la contraindre à divorcer - d’entente avec Bater - et à se remarier. Pour autant, précise-t-elle, que le second époux accepte de garder le premier mari à la maison... Commence un défilé souvent cocasse de prétendants plus ou moins argentés, ponctué par les interventions intempestives de Sen’ge, un voisin amoureux de Tuya, mais trop fortement porté sur la bouteille. L’avenir s’annonce difficile à gérer, d’autant que l’eau se fait de plus en plus rare dans la région, et que le pétrole attire déjà les premiers spéculateurs.

Dans l’immensité des steppes - les images sont magnifiques -, au milieu de paysages désolés, balayés par les vents, la neige et la poussière, deux mondes se croisent: celui des chameaux, des yourtes et des vieilles mélopées mongoles, et celui des camions, des Mercédès rutilantes et des rumeurs d’une ville proche. Une certaine nostalgie du passé est perceptible; le ton de l’histoire se fera tantôt grave, tantôt mélodramatique, tantôt humoristique.

Le film s’ouvre et se clôt sur une bagarre d’enfants et une dispute entre l’ancien et le nouvel époux. C’est le jour des noces, tous les participants ont revêtu de splendides costumes, mais la mariée est en larmes. Le film ne cache rien des difficultés futures de Tuya et, de façon générale, du sort peu enviable réservé à la femme en Chine. Mais les hommes aussi, nous rappelle le cinéaste, ont un statut fragile, bousculés qu’ils sont par les changements rapides des modes de vie. Le film aurait pu basculer dans le mélodrame et la tragédie, mais à chaque fois qu’il s’approche de trop près de ces frontières-là, Wang Quan’an tempère le propos par une bonne dose d’humour, évitant tout discours démonstratif ou idéologique.

Le film se présente comme une œuvre très maîtrisée - Wang Quan’an a pu compter sur la collaboration de Lu Wei, scénariste de films célèbres comme ADIEU MA CONCUBINE (Chen Kaige, 1993) ou VIVRE! (Zhang Yimou, 1994). Le personnage de Tuya, attachant et complexe, est le pivot du film: elle va choisir elle-même son second époux, en fixant les règles de la cohabitation à venir, afin de préserver l’unité de sa famille. LE MARIAGE DE TUYA reste ainsi, avant tout, une histoire d’amour, un film sur la fidélité et les souffrances de la vie. Un récit qui n’est pas dénué d’espoir.

Antoine Rochat