Interview

Affiche Interview
Réalisé par Steve Buscemi
Pays de production U.S.A., Canada, Pays-Bas
Année 2007
Durée
Musique Evan Lurie
Genre Drame
Distributeur Diaphana Films
Acteurs Steve Buscemi, Sienna Miller, Michael Buscemi, Tara Elders, David Schecter
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 552
Bande annonce (Allociné)

Critique

Un journaliste, une starlette, le mépris et la séduction… Avec INTERVIEW, Steve Buscemi montre à la fois la fragilité de l’être et la manipulation des médias.

Devenu réalisateur, Steve Buscemi, acteur étasunien de talent, use du même talent pour tourner des films sans concession. L’homme est tout sauf un industriel hollywoodien. Ses films se construisent sur de petits budgets, il dit volontiers qu’il n’a pas besoin de plus. C’est normal, il a des idées, et son indépendance des grandes compagnies lui laisse toute latitude pour les mettre en scène. Son quatrième long métrage ouvre une trilogie consacrée à Théo Van Gogh, réalisateur assassiné aux Pays-Bas en 2004. INTERVIEW est une reprise de l’un de ses films (INTERVIEW, 2003 - n.d.l.r.: qu’on doit pouvoir trouver en DVD).

Le journaliste Pierre Peders (Steve Buscemi) est contraint par son rédacteur en chef d’interviewer Katya (Sienna Miller) une starlette de télévision. Voilà qui n’a aucun rapport avec sa brillante carrière, lui qui a toujours couvert les événements politiques et couru le monde d’un conflit à l’autre. Il y met une mauvaise volonté d’autant plus évidente que la starlette le fait attendre plus d’une heure. Toutefois, le temps passant, ils laissent sourdre leur vraie personnalité, au risque d’en dire trop. Manipulations, jeux de dupes, séduction, l’interview se transforme en une attirance réciproque qui frise l’inceste et que chacun esquive à sa manière. Mais chacun, aussi, découvre que l’autre n’est pas aussi sot qu’il l’avait cru.

Presque en huis clos, avec une mise en scène qui pourrait sans difficulté se transposer au théâtre, Steve Buscemi peint de superbes portraits psychologiques, dans toute leur ambiguïté. Mais il montre aussi le champ et le contre-champ de cet exercice difficile qu’est l’interview, qui donne quelques minutes au journaliste pour rendre compte d’une vie. Comment le professionnel va-t-il faire émerger ce qui croustillera assez pour un article choc? Et comment la personne interviewée présentera-t-elle son image dorée?

C’est l’inutile quotidien du people. Et ce n’est pas quelque chose qui plaît à Pierre Peders, qui arrive sans préparation aucune. Buscemi montre la difficulté de voir derrière et voir dessous, tout en restant dans l’exactitude des faits. Va-t-il donner le coup de poignard définitif aux commérages mondains qui façonnent de plus en plus l’actualité? Il est prêt à nous le faire croire quand il se retourne d’un bloc pour montrer le journaliste finalement asservi par le sensationnel. De la même manière, la relation entre les deux protagonistes souffle sans arrêt le chaud et le froid: attirance et rejet, empathie et cruautés, estime et mépris.

INTERVIEW est un film qui creuse et qui va loin. Rien n’est simple dans les relations humaines, une relation d’interview moins que toute autre. La démonstration est exemplaire pour les journalistes. Elle l’est tout autant pour les «profanes» qui ne manqueront pas de comprendre à quel point ils peuvent, chaque jour, se laisser manipuler.

Geneviève Praplan