Un long dimanche de fiançailles

Affiche Un long dimanche de fiançailles
Réalisé par Jean-Pierre Jeunet
Pays de production U.S.A., France
Année 2004
Durée
Musique Angelo Badalamenti
Genre Drame, Guerre, Romance
Distributeur Warner Bros. France
Acteurs Audrey Tautou, Clovis Cornillac, Gaspard Ulliel, Dominique Pinon, Jérôme Kircher
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 490
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Plus sobre qu'AMELIE POULAIN, plus dramatique et pourtant tout aussi lumineux, Jean-Pierre Jeunet fait de ces fiançailles un superbe dimanche.

Mannech est mort en 1917, sur le front de la Somme. Deux ans après, Mathilde ne veut toujours pas croire à l'avis officiel qu'elle a reçu depuis longtemps. Son intuition tisse un fil très mince qui la relie à lui. Comment le retrouver? Le scénario de Jean-Pierre Jeunet et Guillaume Laurant, adapté du roman de Sébastien Japrisot, consacre toutes ses pages à la longue enquête que la jeune femme va mener avec l'aide de ses proches et de soldats survivants. Cela pour pouvoir définitivement casser le fil ou le fortifier.

On pourrait penser à RETOUR A COLD MOUTAIN, vaste romance d'Anthony Minghella. C'est compter sans Jean-Pierre Jeunet, passé maître dans l'art de placer toutes les astuces cinématographiques au service de l'histoire. UN LONG DIMANCHE DE FIANÇAILLES, il y pense depuis des années, lorsqu'après DE-LICATESSEN, il a lu le livre de Japrisot. Séduit par la ténacité de Mathilde, il y retrouve aussi ""beaucoup des préoccupations et des centres d'intérêt qui sont les miens, la Guerre de 14-18, le Paris de 1920, le mélange d'innocence et de fantaisie qui malgré sa gravité, imprègne toute cette histoire"".

Les tranchées de la Grande Guerre ont été creusées dans la région de Poitiers, sur la base d'une épaisse documentation. D'un réalisme bouleversant, elles rejoignent totalement les témoignages de l'époque et mettent à cru les images mal connues de cette boucherie. Pour le reste, La Gare d'Orsay, les Halles, la place de l'Opéra, les merveilles de l'image de synthèse font l'affaire. La peinture de ces années-là n'a rien de nostalgique. Un peu comme Mike Leigh dans GILBERT & SULLIVAN, Jean-Pierre Jeunet met l'accent sur la modernité de l'époque, le téléphone, l'automobile, des plans magnifiques et de tous les genres sur les trains.

Mais ce sont les personnages qui ont ses faveurs. Avec une sorte d'ampleur de l'image qui les laisse prendre leur place. Avec des angles et des plans rapprochés qui laissent parler l'expression. Ces personnages sont de deux sortes, ceux qui ont attendu et ceux qui se sont battus. Il était plus difficile de faire vivre les seconds. On a pourtant le sentiment qu'ils ne racontent pas autre chose que leur propre expérience.

Histoire d'amour, de courage et de fidélité, UN LONG DIMANCHE DE FIANÇAILLES est aussi un film de guerre. Un film sans concession qui ne part pas à la recherche des héros, à l'image d'une autre réussite, LA CHAMBRE DES OFFICIERS de François Dupeyron. Il faut dire qu'aujourd'hui, le recul est assez grand pour montrer les petites et les grandes lâchetés des états-majors. Quant à l'héroïsme, il n'a pas de place au moment de sauver sa peau. Seuls résistent les sentiments qui aident les hommes à rester des hommes. Ces horreurs seraient difficilement soutenables s'il n'y avait Mathilde, dans une Bretagne sereine, sa fidélité et ses espérances. S'il n'y avait l'équilibre de la mise en scène entre ces deux récits qui s'entremêlent, pour aboutir à une fin étonnante. Et s'il n'y avait surtout l'intelligence, l'humour, la finesse, la poésie, les clins d'œil d'un réalisateur parfaitement maître de lui.

""AMELIE POULAIN était un film de l'inspiration, UN LONG DIMANCHE DE FIANÇAILLES est un film de la maturité, explique-t-il. Toute l'équipe est en ce moment en pleine possession de ses moyens. Il faut que nous nous dépêchions d'en profiter avant... le déclin qui nous guette."""

Geneviève Praplan