Machuca

Affiche Machuca
Réalisé par Andrés Wood
Pays de production France, Espagne, Chili, Grande-Bretagne
Année 2003
Durée
Musique José Miguel Miranda, José Miguel Tobar
Genre Drame
Distributeur Océan Films
Acteurs Matias Quer, Ariel Mateluna, Manuela Martelli, Aline Küppenheim, Ernesto Malbran
N° cinéfeuilles 482
Bande annonce (Allociné)

Critique

"En 1973, j'avais 8 ans. Parmi mes quarante camarades de classe, quinze au moins vivaient dans les bidonvilles établis juste à la sortie de mon école. Ce fut une courte période qui, enfants de riches, enfants de pauvres, nous marqua tous profondément; une courte période durant laquelle la rencontre entre deux univers, habituellement séparés et cloisonnés dans ce pays, fut possible.

Le réalisateur parle ainsi de ce qu'il a vécu lui-même. Choisir de rappeler les dramatiques événements survenus au Chili au travers de l'histoire de deux enfants d'une douzaine d'années est déjà une idée forte. La relation d'amitié qui va naître entre ces garçons, l'un issu d'une famille aisée vivant dans les beaux quartiers, l'autre, Machuca précisément, fils de paysans échoués dans un bidonville, en est une autre.

Même si l'on peut regretter un certain parti pris romanesque, il faut se réjouir que ce film intelligent et sensible vienne nous remettre en mémoire une page peu glorieuse de l'histoire contemporaine. Soulignons encore, parce que cela n'est pas courant, l'image convaincante que le réalisateur nous donne du prêtre qui est directeur du collège et dont la prise de conscience est courageuse.



Georges Blanc





Les âpres journées de l'Unité populaire au Chili et la révolution de septembre 1973 sont vécues ici par les yeux d'un jeune collégien et de ses amis. Les Chiliens ont réservé un immense succès à ce film.

""Le 11 septembre 1973, j'avais 8 ans et des quarante élèves de ma classe, au moins quinze vivaient dans les bidonvilles sur la rive du Mapocho, à la sortie de mon collège. Les enfants étaient entrés dans cet établissement grâce à l'initiative du directeur, un prêtre nord-américain aux idées progressistes. Ce fut une expérience enrichissante, quelque fois orageuse et cruelle, mais aussi merveilleuse; pleine de contradictions, comme celles que vivait le pays. Cette brève période nous a tous marqués profondément (élèves payants ou non), car elles réunissaient deux mondes complètement séparés dans l'histoire du Chili.""

Le préambule d'Andrés Wood, réalisateur chilien, éclaire l'esprit dans lequel il a travaillé. Ce fossé infranchissable entre deux mondes qui se côtoient est peut-être ce que le film apporte de plus effarant au spectateur. Année 1973. Gonzalo (Matías Quer) a 11 ans, il étudie en uniforme au collège anglais pour enfants riches. Mais le Père Mac Enroe (Ernesto Malbrán) qui dirige l'établissement défend un esprit social et invite un groupe de jeunes garçons de la rue à se joindre à la classe de Gonzalo. Les différences sont criantes, certains élèves ne manquent pas de les faire sentir. Gonzalo observe, hésite, puis devient ami avec Pedro (Ariel Mateluna). Il découvre avec lui les conditions de vie des bidonvilles et la misère. Tandis que dans sa belle maison, sa mère s'ennuie, trompe son époux et fait les courses.

Le Chili vit alors des semaines déterminantes. Allende est au pouvoir et cherche à réduire la pauvreté. La classe bourgeoise tient le couteau par le manche et l'on sait comment se terminera l'espoir éveillé par le socialisme. Mais la politique n'est pas le propos d'Andrés Wood. Il se rappelle ce qu'il a vécu enfant et place ses souvenirs dans la mémoire de Gonzalo qui découvre avec une bouleversante intériorité que tout le monde ne vit pas dans le luxe. Ce qu'apprend le jeune garçon, ce qu'il vit lui-même de ces événements dramatiques constituent le scénario du film. Fiction basée sur des faits historiques, elle éclaire une période mal connue de la révolution chilienne, sans chercher les coupables, sans condamner quiconque.

Il faut saluer la justesse du regard des enfants, leur expression presque figée tandis que se déroule sous leurs yeux un cinéma tragique. Andrés Wood confirme que les enfants sont capables de tout entendre et de tout voir, de tout recacher, de souffrir de tout et de se réjouir aussi. Ses portraits sont remarquables. Tout autour d'eux, les manifestations battent leur plein et la guerre civile se prépare, tandis que se creuse encore plus la tranchée entre les riches et les pauvres. Elle est insoutenable, mais les jeunes garçons passent par-dessus sans problème, ce sont des enfants. Pourtant dans quelques années, comme dit le père de Pedro, son fils continuera à ""nettoyer les chiottes"" et Gonzalo sera chef d'entreprise.

Voilà ce que dit dans une mise en scène soignée, des séquences un peu longues mais bien construites, le réalisateur chilien. Andrés Wood précise que c'est la première fois qu'un film sur cette époque est réalisé par un cinéaste qui l'a vécue. Les Chiliens ont beaucoup aimé cette œuvre sensible qui les aide sûrement à reparler des événements de 1973, sans esprit de vengeance. Le distributeur dit qu'""avec MACHUCA, et le regard à la fois honnête et bienveillant qu'il porte sur le passé de son pays, Andrés Wood offre à ses compatriotes un beau cadeau"". C'est vrai.



Geneviève Praplan"

Ancien membre