I May Destroy You

Le 03 décembre 2020

I May Destroy You

De Michaela Coel

GRANDE-BRETAGNE, 2020


DiFFUSION

HBO


SAISON 1

12 épisodes

de 30 minutes


ACTEURS

Michaela Coel

Weruche Opia

Paapa Essiedu


SCÉNARIO

Michaela Coel


GENRE Drame


NOTE 19

L’extraordinaire Michaela Coel revient avec une série qu’elle dirige et dont elle incarne le personnage principal, Arabella, le tout avec un talent indéniable. Cette production HBO aborde le sujet du viol par GHB, des responsabilités individuelles et collectives sur cette question, et rappelle l’importance de la libération de la parole.

Après l’hilarante série Chewing-gum (2015-2017) et l’impressionnant long métrage Black Earth Rising (avril 2020), Michaela Coel revient encore une fois en force. Cette excellente série HBO n’est pas à mettre entre toutes les mains: des images peuvent choquer non pas tant par leur contenu graphique mais par leur montage remarquable. Droguée au GHB, Arabella a de la peine à entrevoir le visage de son agresseur, le lieu ainsi que les circonstances de ce viol - mot qu’elle ne mettra d’ailleurs pas tout de suite sur ce qui lui est arrivé. Les flash-back de l’agression de la jeune femme réapparaissent peu à peu, les souvenirs se précisent, provoquant chez la jeune femme des réactions toujours plus fortes. Subrepticement, dans des situations du quotidien souvent triviales, ces réminiscences reprennent forme et mettent la protagoniste dans un état étrange. Le dernier épisode reflète bien l’effort notable mis dans l’emploi du montage, avec plusieurs versions de la même soirée, alludant ainsi à tous les possibles qui s’offrent à nous et rappelant que tout peut basculer en un instant.

Beaucoup d’allusions en sous-texte permettent de comprendre l’histoire différemment; la carrière de comédienne de la meilleure amie Terry qui ne décolle pas, peut-être à cause de sa couleur de peau, les amants d’Arabella qui révèlent beaucoup de problématiques liées aux concepts de masculinité toxique et au consentement, ou encore le vécu du meilleur ami homosexuel Kwame qui peine à parler et se faire entendre. Car il s’agit aussi précisément dans cette série d'évoquer les effets de la parole. Arabella est encouragée à partager son trauma avec une psychologue, avec ses proches, et balancera même l’affaire sur internet en humiliant un de ses agresseurs. Cette scène lors de laquelle tout le monde sort son smartphone pour immortaliser la honte du violeur fait frissonner d’intensité. L’utilité des réseaux sociaux est aussi soulignée pour sa dimension de soutien psychologique; en ligne, il est facile de trouver rapidement des communautés de personnes qui ont vécu une situation similaire, d’autant plus - et malheureusement - lorsqu’il s’agit de violences sexuelles. Michaela Coel semble également nous rendre attentifs et attentives à la question de la culpabilité. À qui est-ce la faute lorsque quelqu’un se fait violer? Faut-il que les femmes surveillent davantage leur verre en soirée ou faut-il apprendre aux hommes à ne pas droguer les femmes pour abuser d’elles? Il me semble que la question est vite répondue.


Camille Mottier