GIFF 2022

Le 30 novembre 2022

La 28e édition du GIFF s’est déroulée du 4 au 13 novembre à Genève. S’il regroupait, comme à son habitude, expériences immersives, séries et films, l’événement a présenté une programmation au nombre d’œuvres réduit par rapport aux années précédentes, mais non moins intéressante.

 

Commençons par la fin. Le samedi 12 novembre eut lieu la cérémonie de clôture du festival délivrant le palmarès de ce dernier. Parmi les prix décernés, nous retiendrons essentiellement le Reflet d’Or du meilleur long métrage attribué à Saint Omer (France, 2022) d’Alice Diop. Déjà primé lors de la 79e Mostra de Venise, l’œuvre a — à juste titre — convaincu les 4 étudiant·e·s en écoles de cinéma composant le Jury et son président, le réalisateur iranien Mani Haghighi dont le passeport a été confisqué par les autorités de son pays d’origine. L’occasion d’une petite piqûre de rappel que lorsque nous profitons de films en toute liberté, cette activité semble trop subversive pour certains gouvernements.


Mais revenons-en au 7e art. Faisant suite à la cérémonie de clôture, The Whale (USA, 2022), le nouveau long métrage de Darren Aronofsky était présenté pour la première fois en Suisse. Inspiré d’une pièce de théâtre de Samuel D. Hunter, le film nous enferme dans l’appartement d’un professeur d’anglais reclus et atteint d’obésité morbide. Si la transformation physique de Brendan Fraser (George de la jungle, La Momie) et le format 4/3 créent une ambiance étouffante, le sentimentalisme dont est empreint le récit est beaucoup moins convaincant. Reste un retour intimiste inattendu pour le réalisateur de Requiem for a Dream, Black Swan ou encore Mother!.


À l’instar de The Whale, déjà sélectionné à Venise, ce 28e cru du GIFF a offert de très belles séances de rattrapage de films présentés dans divers festivals internationaux, mais pour la première fois en Suisse. Saint Omer donc, dont nous vous proposons une critique complète dans ce numéro. Mais aussi Le Lycéen (Christophe Honoré, France, 2022) qui était en compétition cette année à San Sebastian ou EO (Jerzy Skolimowski, Pologne/Italie, 2022), présenté à Cannes. Le premier confronte les difficultés de l’adolescence à la brutalité de la perte d’un proche. Porté par un jeune acteur bluffant - et malgré une entame qui aurait pu laisser penser à un mélodrame pesant -, le résultat est beau et touchant. Le second, quant à lui, nous fait découvrir les vices de notre (in)humanité à travers les yeux d’un âne déambulant. Une épopée sensorielle très réussie, en dépit d’un aspect légèrement trop didactique dans son procédé.


Également présent à Cannes, mais à La Quinzaine des réalisateurs, De Humani Corporis Fabrica était ici sélectionné en Compétition internationale. Ce documentaire unique en son genre, composé essentiellement d’images d’opérations, est une plongée (au sens propre) dans le corps humain qu’il explore à toutes les échelles. Quelque peu décousue dans sa structure, cette expérience, demandant d’avoir le cœur bien accroché, n’en reste pas moins fascinante.


La Compétition internationale a également permis de voyager. En Corée du Sud tout d’abord avec Hommage (Shin Su-won, 2022), ou le récit d’une réalisatrice en mal de reconnaissance qui se lance dans la restauration d’un film d’une cinéaste des années 1960. Sobre et poétique, une très belle déclaration d’amour au cinéma en général, et aux femmes qui le font en particulier. Moins convaincant en revanche, Sonne (Kurdwin Ayub, Autriche, 2022) relate le parcours de trois adolescentes ayant fait le buzz en chantant le tube Losing my Religion en hijab sur les réseaux sociaux. Si la note d’intention est intéressante, le film ne parvient jamais à l’exploiter pleinement et se transforme rapidement en fourre-tout redondant.


Retour en Suisse avec Unrueh (Cyril Schäublin, 2022), une œuvre atypique et déroutante nous plongeant à la fin du 19e siècle, dans la vallée de St-Imier. Entre fabrication horlogère, mouvement anarchiste et histoire d’amour, une bizarrerie esthétique et narrative qui reste bloquée dans un coin de l’esprit… pour notre plus grand plaisir. Dans un tout autre registre, citons encore Petite Fleur (Santiago Mitre, France/Argentine/Belgique/Espagne, 2022), une comédie inégale qui exploite timidement le concept de boucle temporelle. Si le charme du début retombe assez vite et les répétitions scénaristiques finissent par lasser, le film est sauvé par ses interprètes (Vimala Pons en tête de liste) et certaines situations ubuesques.


 Mentionnons enfin, pour compléter la sélection de la Compétition internationale, L’Origine du mal (Sébastien Marnier, France, 2022) et Inu-Oh (Masaaki Yuasa, Japon/Chine, 2022), déjà critiqués dans notre précédent numéro, ainsi que Goutte d’Or (Clément Cogitore, France, 2022) et Ordinary Failures (Cristina Grosan, République tchèque/Italie/Hongrie/Slovaquie, 2022) que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de découvrir.