Festival international de Miskolc

Le 01 octobre 2013

Mais où est donc Miskolc?  Le 10e Jameson Cinefest nous a permis de découvrir cette ville située au nord-est de la Hongrie.

Il y a quelques années encore deuxième ville du pays avec 200'000 habitants, elle a rétrogradé à la 4e place en perdant un quart de sa population suite au déclin des entreprises sidérurgiques. Dans une ville qui garde de beaux témoins architecturaux de l’époque de l’Empire austro-hongrois, une poignée de cinéphiles convaincus ont lancé un festival international qui est devenu le premier du pays. Il faut dire que c’est dans cette ville qu’est né le scénariste et réalisateur Emeric Pressburger qui a réalisé entre autres avec Michael Powell Une question de vie ou de mort , un des premiers films en technicolor (1946), présenté à Miskolc pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Faire partie du jury œcuménique (agréé depuis trois ans dans ce festival) est un privilège, car il permet à la fois de côtoyer quotidiennement les gens du pays et les membres d’autres jurys avec une mosaïque de compétences et d’origines, et de visionner des films où la part des pays de l’Est de l’Europe est importante.
Le grand prix du festival a été donné à Tore Tantz, film impitoyable de l’allemande Katrin Gebbe (présenté dans les échos cannois), qui suscite un malaise certain. Elle met en scène un jeune converti qui se prend pour le Messie et attire les réactions sadiques de la famille à laquelle il s’est attaché. Le parallèle avec la passion du Christ y est suggéré de manière perverse… dans ce sens, le film de Grebbe a atteint son but: provoquer le débat.
Tout autre est Ilo Ilo, le film d’un jeune cinéaste de Singapour, Anthony Chen. Après avoir reçu la Caméra d’or à Cannes en 2013 (meilleur premier long-métrage), il a cumulé trois prix à Miskolc (grand jury, FIPRESCI et jury œcuménique). La finesse de ce film à petit budget évoque, à travers la vie d’une famille, les conséquences impitoyables de la crise économique de 1997 et la condition des immigrés philippins. Mais, dans ce décor réaliste, c’est l’évolution des rapports au sein d’une famille qui tient le spectateur en haleine, avec une ouverture progressive à plus d’humanité, même si à la fin la domestique philippine doit être renvoyée. Anthony Chen s’est du reste inspiré de sa propre enfance, lorsqu’il a été séparé de la nounou philippine qui avait pris soin de lui pendant des années. Et à la suite du film, à l’aide du réseau d’internet, il a même pu retrouver cette nounou perdue, dont il n’avait gardé que le nom de la province: Ilo Ilo. Présent lors de la remise des prix, il nous a conquis par sa simplicité et sa chaleur.

Claude Schwab