31e Festival de films de Fribourg

Le 21 avril 2017

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Un monde à l’endroit ou à l’envers?

Le Festival international de films de Fribourg (FIFF) garde sa volonté d’ouverture au monde et les douze films de la compétition internationale - nous en parlons brièvement dans les pages qui suivent - se présentent comme douze tableaux de continents lointains (Afrique, Asie, Russie et Amérique latine) qui sont autant d’échappées intéressantes hors de l’Europe et du monde anglo-saxon.

Lors de l’ouverture du festival, Thierry Jobin, directeur artistique, relevait toute l’importance des festivals dans une société qui se dit ouverte: «Il est dangereux, disait-il, de limiter l’offre de l’art le plus populaire, le cinéma, aux seules productions américaines et européennes qui ne représentent qu’un milliard d’humains. C’est se priver des points de vue et des réalités de 6 milliards de personnes dont les cinéastes font, comme c’est particulièrement le cas en Asie du Sud par exemple, un cinéma souvent plus ébouriffant, inventif et nécessaire que celui dont on nous abreuve. Notre méconnaissance face à plus des trois quarts de l’humanité favorise l’éclosion des vérités alternatives les plus absurdes. Les festivals qui prennent des risques, comme Locarno ou Fribourg, sont des garde-fous.»

 Et le ton a tout de suite été donné par le film d’ouverture, The Eagle Huntress (La Jeune Fille et son aigle / hors compétition, voir pp. 14-15), projeté en présence de sa protagoniste principale, une jeune fille devenue dresseuse d’aigles en Mongolie. Impossible de parler des 140 films présentés dans le cadre de cette 31e édition. A signaler que le romancier Douglas Kennedy est venu à Fribourg présenter 5 films, que la rédactrice en chef de Bilan, Myret Zaki, a proposé au public 5 longs métrages égyptiens, et que Freddy Buache, ancien directeur de la Cinémathèque suisse, a choisi de faire voir (ou revoir) 4 de ses chefs-d’œuvre de chevet, à savoir M le Maudit (F. Lang, 1931), Le Désert rouge (M. Antonioni, 1964), Cris et chuchotements (I. Bergman, 1972) et The Dead (J. Huston, 1987). Un beau programme!

Des mondes cinématographiques peu connus, des cinémas très différents ont pris l’habitude de se donner rendez-vous à Fribourg. Dans le cadre de cette 31e édition une vingtaine de longs métrages venus duJeuneFilleAigle2 Népal ont croisé des polars asiatiques et des films de fantômes - une des orientations privilégiées de la manifestation -, créatures fantastiques qui ont même réussi à se glisser jusque dans un ou deux films en compétition. Le FIFF reste une manifestation populaire importante qui prône l’originalité et la diversité culturelle. Un festival qui permet des rencontres, des découvertes inédites, des surprises qui peuvent parfois déconcerter, voire gêner: le spectacle de notre monde n’est pas toujours réconfortant…

Dans le Palmarès de cette année on découvre un Prix Visa étranger - décerné à Millimeterle de Pascal Reinmann (ZHdK Zurich), ainsi qu’une Mention spéciale accordée à Wo der Euphrat in die Sava mündet d’Andreas Muggli (HSLU Lucerne) -: Thierry Jobin a en effet demandé à ses invités népalais de juger plusieurs films tournés dans les écoles de cinéma suisses: pour cette fois le Sud a porté un jugement sur le Nord. «C’est ce que nous voulions proposer: un monde à l’envers, précise le directeur du FIFF. Le monde à l’envers c’est le Népal vu par les Népalais, sans clichés. Le monde à l’envers, c’est d’honorer Freddy Buache si tard. Le monde à l’envers, c’est de découvrir toutes ces cultures qui parlent de la mort et des fantômes sans nos tabous. Le monde à l’envers ce sont aussi des chefs-d’œuvre de l’Amérique des années 50 et 60 qui se mettent à parler de Donald Trump…»

Le FIFF continue à jouer ce rôle très important d’entraîner un public vers d’autres horizons, de remonter le temps, de modifier certaines priorités et de donner sa place à un cinéma original qui sait regarder le monde différemment.

• Les prix du Palmarès sont mentionnés avec les films en compétition ci-après.

Les douze films en compétition
Apprentice1 

Apprentice de Boo Junfeng, Singapour/Hong Kong/Qatar/Allemagne/France.
- Grand Prix du Jury international et Critics’ Choice Award
Aiman, 28 ans, vit modestement à Singapour avec sa sœur Suhaila. Il occupe un poste de gardien de prison et cherche à gagner la confiance de Rahim, responsable général de l’établissement. Son zèle n’est pas tout à fait désintéressé (on en comprendra ultérieurement les raisons familiales et tragiques qui l’ont amené à s’approcher de lui). Rahim, bourreau exécuteur des peines, est bientôt à la retraite et il va prendre Aiman sous son aile…

Boo Junfeng, cinéaste de la jeune génération de son pays, s’attaque à un sujet délicat (la peine de mort). Un sujet d’autant plus difficile à traiter que les ethnies et les religions sont multiples à Singapour.
Les protagonistes principaux sont maltais, et les problèmes de langues ne simplifient pas le propos. La qualité de la mise en scène est à relever, et le choix des images contribue à créer une atmosphère le plus souvent oppressante. Le réalisateur a choisi de limiter au maximum les dialogues et les gros plans, donnant la priorité à une tonalité faite d’inquiétude et de sous-entendus. (Cf. aussi le texte de Nadia Roch, CF n. 747/8 - Cannes, pp. 31-32.)

 

The Cinema Travellers de Shirley Abraham et Amit Madheshiya, Inde. Documentaire.
CinemaTravel1Depuis près de septante ans des cinémas itinérants parcourent l’Inde pour apporter la magie des images à un public toujours émerveillé. Mais aujourd’hui les camions et leurs projecteurs commencent à tomber en ruine et les bobines de pellicule se font de plus en plus rares. Dans le documentaire des deux cinéastes indiennes ces «cinémas voyageurs» accompagnent un exploitant astucieux, un forain bienfaisant et un réparateur de projecteurs non conformiste et débrouillard: tous portent un magnifique fardeau, mais pour combien de temps encore?

«C’est sûr qu’ils ne perdureront pas comme nous l’avons connu durant nos voyages, disent les deux réalisatrices. Le tournage était comme un conte de fée et ce que nous avons découvert n’est pas le genre de choses que l’on voit au quotidien. Ces cinémas itinérants font partie intégrante, en Inde, de fêtes religieuses et s’insèrent donc au sein de traditions.»
On connaît bien Bollywood et ses grandes productions, mais beaucoup moins l’histoire du cinéma indépendant de ce grand pays. Véritable hommage à ce cinéma-là, ainsi qu’aux hommes qui l’ont préservé et le préservent encore des nombreux changements technologiques, le film a remporté une Mention spéciale au Festival de Cannes 2016.

 

Dearest Sister de Mattie Do, Laos/France/Estonie.DearestSister1
Une villageoise, Nok, rejoint Vientiane, capitale du Laos. Elle doit s’occuper de sa riche cousine Ana qui a des problèmes de vue. Mariée à un homme d’affaires, Ana développe des capacités surprenantes, celles de pouvoir communiquer avec les morts. Entre plusieurs apparitions surnaturelles elle se met aussi à murmurer des chiffres qui se révèlent être les chiffres gagnants de la loterie nationale. Nok ne se demandera pas très longtemps si elle peut profiter de la situation pour s’enrichir, surtout qu’elle désire aussi envoyer un peu d’argent à sa famille… Quant à l’époux de cette bizarre cousine, un Estonien expatrié, il semble cacher de sombres secrets.
A la fois fiction, film fantastique et d’horreur Dearest Sister est le second film tourné par la réalisatrice laotienne Mattie Do, une figure historique de l’industrie cinématographique du Laos. Ce long métrage - les décors et paysages du pays ne sont malheureusement pas très apparents - tente de jeter un œil sur la réalité sociale du Laos (rapport des classes, culture et traditions, condition féminine), mais sans vraiment pousser la réflexion très avant. Et la composante fantastique du film, la présence de fantômes et les ruptures temporelles ne suffisent pas à susciter un véritable intérêt.

HoneygiverAmong2

Honeygiver Among the Dogs de Dechen Roder, Bhoutan.
- Prix spécial du Jury, Prix du Jury des jeunes Comundo et Mention spéciale de la Fédération internationale des ciné-clubs (FICC)
Dans un petit village, une religieuse a disparu. Un jeune policier commence à enquêter et suit la piste d’une jeune femme séduisante et mystérieuse qu’on accuse de sorcellerie. Mais dans les montagnes du Bhoutan, rien n’est très simple.

Un (très) long métrage - au titre énigmatique - qui se présente comme un thriller poétique et inattendu, un film noir où l’on ne repère pas toujours les règles du genre. Peu de choses sur le Bhoutan, même si l’on a le temps - le film dure plus de deux heures - de découvrir quelques décors et paysages, quelques-unes des composantes culturelles du pays et certains problèmes liés à la vie des habitants. Le film, lent et long, a choisi de privilégier la méditation et cherche avant tout à surprendre et à créer une atmosphère.

January de Dario Mascambroni, Argentine.January2
Un père passe ses dernières vacances, avec son fils de 8 ans, Valentino, dans une maison de campagne qui doit être vendue. Mais il y a crise familiale: les parents viennent de divorcer et le jeune garçon manifeste à plusieurs reprises son désarroi. Il tente de jouer, il manifeste une certaine indépendance, mais se réfère souvent à sa mère… Le film est court (une heure) et il ne se passe rien de très important durant le bref séjour du père et de son fils à la campagne.
Tout au plus Valentino croisera-t-il une fillette de son âge et échangera-t-il un ou deux mots avec elle.
Un père et son propre fils sont les interprètes de ce premier film d’un réalisateur argentin, un film qui a été bien accueilli dans son pays. On lui reprochera pourtant de (trop?) laisser au spectateur le soin de remplir les cases vides du passé et du futur de Valentino et de son père. A chacun donc de compléter ce tableau fait de fines observations, de silences éloquents et d’hypothèses diverses. On relèvera la sensibilité de la description, la retenue du cinéaste et sa volonté de confier au spectateur le soin d’intégrer à ces images les siennes propres…

Kati Kati de Mbithi Masya, Kenya/Allemagne.KatiKati2
La jeune Kaleche se retrouve à Kati Kati, dans un petit village au milieu de la brousse kenyane. Amnésique, elle semble totalement égarée. Elle fait la connaissance de Thoma qui lui annonce la raison de sa présence en ces lieux: elle est morte! Le ton est donné… Kaleche rencontre alors une quinzaine d’autres résidents qui, comme elle, ont perdu la vie dans des circonstances mystérieuses. Elle comprendra vite que, malgré les plaisirs de la vie vacancière, chacun cache un passé hanté par le malheur, la culpabilité ou le remords.
Kati Kati n’est donc pas le paradis, au mieux un purgatoire, une étape obligée avant de poursuivre son voyage… Dans le dossier de presse le réalisateur Mbithi Masya explique que, dans la société kenyane, la mort est perçue comme un espace où toutes les préoccupations de la vie antérieure seraient comme en sursis et les fautes pardonnées. Le réalisateur, lui, prétend le contraire: dans Kati Kati les hôtes des lieux n’ont d’autre choix que de se regarder en face, de rencontrer les figures de leur passé et d’affronter la honte et les regrets de leur vie antérieure. Chacun doit être capable, selon le cinéaste, de se juger lui-même pour trouver la paix.
Ce film africain, avec sa composante fantastique, sort de l’ordinaire. Ses images sont très travaillées, les couleurs ont été volontairement modifiées pour contribuer à créer un monde assez sombre et troublant.
Kati Kati, on le comprend assez vite, est un lieu imaginaire, en même temps qu’une image de la société kenyane. Avec aussi une portée plus planétaire, on l’a deviné…

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Obscure de Soudade Kaadan, Liban/Syrie. Documentaire.
Ahmad est un enfant syrien de 6 ans, quasiment muet, qui semble ne pas vouloir se souvenir de son passé. Manifestement traumatisé, cherchant à fuir la réalité, il se réfugie dans le silence et le sommeil. Sa mère et quelques autres personnes vont essayer de le faire sortir de son mutisme. La cinéaste Soudade Kaadan signe un portrait documentaire troublant, qui parvient à montrer l’effacement de la mémoire chez cet enfant.
La cinéaste syrienne a vécu la guerre dans son pays. Réfugiée désormais au Liban, elle a réalisé ce documentaire très fort sur le stress post-traumatique d’un jeune garçon. Ahmad vit avec sa mère et sa sœur dans un camp de réfugiés à Beyrouth et il va tenter de se reconnecter peu à peu avec la réalité et son environnement. «Ce film, pour moi, dit la cinéaste, c’est une forme de résistance. Une façon aussi d’interpeller le spectateur au travers d’une narration non traditionnelle. Le film tourne autour du silence et de la façon d’en sortir. J’ai essayé d’exprimer par l’image ce que cet enfant n’arrive pas à exprimer par la parole.»
Obscure présente en même temps des documents tragiques, familiaux ou autres, et des séquences tournées sur les lieux du conflit. Une approche émouvante du problème des enfants laissés pour compte par la guerre.

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Singing in Graveyards de Bradley Liew, Malaisie/Philippines.

Le vieux Pepe, guitariste hors pair, joue dans les cabarets de Manille en imitant la légende du rock philippin, Joey Smith, bientôt septuagénaire. Dans le film les deux personnages ne font d’ailleurs qu’un, puisque le second interprète le premier, et donc en même temps un peu de lui-même… Singing in Graveyards introduit un jeu déstabilisant. Un jour on donne à Pepe la chance d’assurer la première partie du concert de son idole. Tout ce qu’il a à faire c’est écrire une chanson d’amour. Il est très perturbé.

Le cinéaste Bradley Liew livre ici un personnage déroutant, qui cherche à être lui-même et à prouver que lui aussi peut être un artiste et une personnalité reconnue. Un sujet cependant un peu vague, avec des scènes volontairement étirées, un film trop long, où il ne se passe pas grand-chose.

 

 

The Night Guard de Diego Ros, Mexique.NightGuard2
Salvador est gardien de nuit d’un site en construction sur les hauteurs de Mexico City. Lorsqu’il est interrogé par la police sur une affaire en cours, sa déposition, mal formulée, provoque des embrouilles et va perturber son existence. The Night Guard, premier film de Diego Ros, démarre comme un thriller avant d’emprunter de multiples pistes imprévues et de laisser apparaître un tableau, pas toujours très encourageant, de la situation sociale et politique de Mexico.

A relever l’interprétation remarquable de tous les protagonistes, la très grande qualité des images (surtout nocturnes) et de la photographie d’un film qui - on le découvre au cours du récit et c’est ce qui en fait sa valeur - ressemble finalement davantage à une fable (socio-politique) qu’à un récit policier classique.

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The Student (Le Disciple) de Kirill Serebrennikov, Russie.
Dans la Russie poutinienne un jeune étudiant, Vienamin, se persuade que le monde est entre les mains du mal. Il cite fanatiquement la Bible à tout propos, et défie la morale et les croyances des adultes qui l’entourent. Sa mère apprend qu’il sèche les cours et s’en va chercher de l’aide auprès de la directrice de l’école, mais sans succès. Aucune aide non plus sera trouvée auprès du pope orthodoxe.
Vienamin s’enfermera de plus en plus dans la contestation, dénonçant l’hypocrisie ambiante, se radicalisant. Il perturbera le climat de la classe, et déstabilisera sa professeur alors même qu’elle cherche à l’aider… Bref, il s’est mis dans la tête d’incarner la main de Dieu.

Au-delà du portrait d’un jeune fanatique, The Student questionne notre époque, la place de la religion dans la vie sociale, la conception de la foi, les relations avec les autres, les questions sexuelles, le rôle de l’école, etc. Les thématiques abordées sont nombreuses et l’établissement scolaire est sans doute ici une sorte d’image de la société russe (le corps enseignant représentant le pouvoir, Vienamin l’Eglise, une enseignante l’opposition, etc.) Le cinéaste aborde toutes ces questions très directement, donnant la priorité à de longs plans-séquences et aux dialogues - indispensables sans doute, mais finalement très envahissants.
The Student est une adaptation d’un texte («Martyr») du dramaturge allemand Marius von Mayenburg et a été présenté à Cannes (Un Certain Regard, 2016 / voir aussi la critique de Nadia Roch, CF n. 747/8, p. 41). Le précédent film (Yuriev Den) du cinéaste russe avait reçu en 2008 une Mention du Jury œcuménique à Locarno.

 

The Truth Beneath de Lee Kyoung-mi. Corée du Sud.TruthBeneath2
On est en Corée du Sud. Une adolescente disparaît au moment même où son père Kim Jong-chan se présente aux élections pour l’Assemblée nationale. La mère se retrouve seule à enquêter, son mari et son équipe de campagne préférant chercher des votes.
The Truth Beneath est un thriller, un film noir au centre duquel on découvre un personnage (la mère) qui ne cadre pas avec les stéréotypes du genre. A quoi s’ajoutent la description d’une rupture entre le monde des adultes et celui des adolescents, ainsi que le tableau tragique d’enfants qui souffrent des problèmes conjugaux de leurs parents.
Dans ce drame familial on adopte très vite le point de vue de la mère, qui est paniquée par la disparition de sa fille Minjin. Elle cherche par tous les moyens à découvrir la vérité et à faire payer les éventuels responsables. Elle réalisera aussi, pendant son enquête, qu’elle ne connaissait pas très bien sa fille: Minjin n’était pas aussi gentille que ça et elle avait trafiqué dans plusieurs affaires financières (voire criminelles) fort louches.
Le film dénonce par ailleurs l’existence d’une forme d’individualisme dans la société coréenne qui donne la priorité au «paraître» avant les choses plus essentielles de l’existence, tout cela se traduisant notamment par le comportement du père qui se soucie avant tout de son image politique. A relever le choix des cadrages, des gros plans (rapides) et des images qui s’impressionnent parfois les unes sur les autres. Si la mise en scène est réussie et le rythme soutenu, on regrettera pourtant que toute la dernière partie s’embourbe dans des scènes d’horreur brutales et sanguinaires d’un intérêt minime.

White Sun de Deepak Rauniyar, Népal/USA/Qatar/Pays-Bas.
- Mention spéciale du Jury, Don Quijote Award de la Fédération internationale des ciné-clubs (FICC), Prix du Jury œcuménique et Prix du Public
Une nouvelle Constitution vient d’être adoptée au Népal: on est en 2015, à la fin d’un processus de paix de dix ans qui a suivi la guerre civile. A la mort de son père, Chandra revient dans son village natal, qu’il a quitté au début du conflit pour s’engager dans les rangs de la guérilla maoïste. Son père et son frère Suraj avaient choisi, eux, le camp des forces gouvernementales et n’avaient pas quitté la région.
Dans ce village seuls les hommes peuvent porter la dépouille du père décédé, mais il n’y a plus que des vieillards: la tâche va donc incomber aux deux frères qui s’affronteront violemment. Et en plus de ce passé difficile, de toutes les traditions et de toutes les tensions politiques existantes, Chandra devra encore se confronter à d’autres problèmes familiaux.WhiteSun1
Parler du Népal aujourd’hui et faire en sorte que ceux qui ne connaissent pas le pays puissent comprendre les problèmes qui se posent, voilà le défi! Le jeune réalisateur Deepak Rauniyar a réussi à le relever en parlant - avec précision et finesse - de l’histoire contemporaine de son pays, de la paix fragile, des différentes forces politiques obligées de s’entendre, et de la condition des femmes. Tout cela à travers la vie du village. Le montage est solide, rythmé par des événements inattendus. Les acteurs, tous ou presque non professionnels (y compris les enfants Pooja et Badri, qui portent aussi leurs blessures et sont à la recherche d’un père) sont parfaits.
Le constat est souvent amer, même si les dernières séquences semblent apporter une petite note d’espoir. White Sun a remporté le Prix du Jury Interfilm lors du dernier Festival de Venise.

Antoine Rochat

A noter que aa 32e édition du FIFF se déroulera du 16 au 24 mars 2018.