Everything Sucks de Michael Mohan et Ry Russo-Young

Le 26 mars 2020

Il y a des séries qui s’éternisent sur d’innombrables saisons, parfois s’essoufflant petit à petit, et d’autres qui se voient coupées dans leur élan, interrompues après seulement une saison ou deux. C’est le cas de Everything Sucks!, production Netflix que la plateforme de streaming décida de stopper après 10 épisodes. La base de fans de la série, qui, ironiquement, grandit follement après l’annonce de son arrêt, tenta de convaincre Netflix de lui donner une deuxième chance, la saison se terminant de plus sur un petit cliffhanger, mais en vain. Et c’est bien dommage

L’intrigue se déroule dans la petite ville de Boring (ce nom, qui signifie «ennuyant» en anglais, ne s’invente pas: en effet, cette ville existe bel et bien!), en Oregon, en 1996. Luke, McQuaid et Tyler, trois adolescents geeks, rejoignent le club d’audiovisuel de leur école. Ils y font la connaissance de la fille du proviseur, Kate, dont Luke tombe amoureux. Seulement, celle-ci se questionne sur sa sexualité et accepte de sortir avec lui uniquement pour échapper à la rumeur la disant lesbienne, mais également à ses propres sentiments pour Emaline, la star de la troupe de théâtre du lycée. Lorsque les décors de la pièce que monte cette dernière se retrouvent détruits par un accident causé par Kate, Luke et ses amis proposent un deal: tourner ensemble, avec le club d’audiovisuel, un film dans lequel les acteurs de la troupe pourront jouer.

Everything Sucks! est souvent comparée, à raison, à Freaks And Geeks et Stranger Things. Elle emprunte à la seconde son sens de la nostalgie, cette fois pour les années 90 et non 80, avec des personnages dont les goûts permettent de faire de nombreuses références à la pop culture de l’époque, qu’elles soient cinématographiques, télévisuelles, musicales ou plus largement sociales (louer une VHS chez Blockbuster, jouer au Tamagotchi, etc.) La bande-son est d’ailleurs un régal de tubes très connus des 90s et d’autres chansons qui le sont peut-être un peu moins, qui établissent l’ambiance tout en accompagnant le développement et les émotions des personnages. Pour les amateurs du style vestimentaire de cette décennie, les tenues d’Emaline sont également un pur bonheur.

Le lien avec la série Freaks And Geeks (outre le fait que celle-ci fut également arrêtée après une seule saison) se tisse dans la construction de protagonistes qui, comme le titre l’indique, sont des marginaux dans l’écosystème que représente un lycée, où aimer le théâtre et faire des vidéos est considéré comme des plus ringards. Leur différence est ici bien entendu célébrée, l’objectif n’étant pas de devenir populaire mais de faire ce que l’on aime vraiment. Ces adolescents se cherchent, bâtissent leurs personnalités, qui nous sont rendues très attachantes par leur fantaisie, leur tendresse mais aussi leur mélancolie. Le père de Kate et la mère de Luke, tous deux parents célibataires ayant vécu un traumatisme dans leur précédente relation, sont aussi très sympathiques et on appréciera de ne pas retrouver en eux la sempiternelle figure parentale présente pour mettre des bâtons dans les roues de ses enfants, vue dans beaucoup de réalisations destinées à un jeune public. L’attachement aux personnages passe aussi par le jeu convaincant des acteurs, qui aide à atténuer les quelques traits un peu caricaturaux qui leur sont attribués.

Car il est vrai que cette série n’est pas dénuée de certains stéréotypes (par exemple, la séquence où Luke découvre ses sentiments pour Kate dans le premier épisode, bien que touchante, n’en reste pas moins assez prévisible). Et il aurait été agréable d’en découvrir encore davantage sur les personnages plus secondaires, comme McQuaid, qui possède une personnalité particulièrement savoureuse et piquante. Toutefois, on pardonnera sans problème ces quelques défauts, tant Everything Sucks! regorge d’émotion, fait preuve d’humour, tout en évitant la vulgarité (même si on n’échappe pas à quelques petites blagues un peu graveleuses). On retiendra surtout le parcours de Kate pour découvrir sa sexualité et l’accepter, mais aussi celui, plus général et qui se reflète également dans le développement d’Emaline, pour trouver qui l’on est vraiment, sans se laisser influencer par ce que les autres voudraient que l’on soit, l’idée qu’ils se font de nous, ou même l’idée qu’on croit qu’ils se font de nous.

Production et diffusion Netflix. Saison 1 - 10 épisodes de 25-30'. Avec Jahi Di’Allo Winston, Peyton Kennedy, Rio Mangini, Quinn Liebling, Sydney Sweeney, Patch Darragh, Claudine Mboligikpelani Nako. Comédie. Note 16

Amandine Gachnang