L'édito de Adèle Morerod - Entrer en résonance

Le 08 octobre 2020

«I’ve lost no casual lover, I have no pain from which to recover. I’ve lost me, that is all.» Un doux murmure, à l’accent français, qui trouve son écho dans les yeux océaniques de Jean Seberg. Voici ma première, et définitive, rencontre avec Juliette Gréco. C’était dans Bonjour tristesse, d’Otto Preminger, et la certitude de ne jamais oublier ce face-à-face à la profonde mélancolie. La chanteuse et actrice est décédée le 23 septembre dernier, quelques jours après une autre figure inoubliable de la scène - tant française qu’internationale -, Michael Lonsdale.

De l’une, comme de l’autre, beaucoup a déjà été dit et rappelé, articles après hommages, extraits après photos. Je ne convoquerai encore qu’un souvenir donc, mais triple: celui de Lonsdale dans La Mariée était en noir de Truffaut, Moonraker aux côtés de Roger Moore/James Bond et enfin Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois, 2010). Trois rôles aux antipodes, du bourgeois veule au méchant mégalo, jusqu’au martyr silencieux, trois rôles qui traversent plus de 70 ans de carrière, trois rôles seulement pour dire un immense talent.

A leur disparition répond, au sein de ces pages, un monde déchiré, ensanglanté, rongé par la frustration de voix qui ne parviennent toujours pas à se faire entendre. Il y a celles, jeunes, qui invitent à se battre pour le climat, que ce soit aux côtés de l’incontournable Greta Thunberg (I Am Greta, Nathan Grossman) ou d’étudiants biennois suivis par Adrien Bordone et Bastien Bösiger dans Plus chauds que le climat. Mais comment réussir à fléchir une politique qui ne sait agir que pour favoriser des intérêts économiques?

Ce n’est pas un ennemi très différent que pointe du doigt Un pays qui se tient sage, compilation sans concession des exactions policières auxquelles il a été laissé libre cours durant le mouvement des Gilets jaunes. Cette violence exercée sur les individus découle d’un système toujours plus déconnecté de l’humain - à l’image du labyrinthe médical, juridique et familial auquel est confrontée Autumn dans Never Rarely Sometimes Always - et de la nature, comme le rappelle le documentaire Le Mur de l’ombre, où les croyances des Sherpas se heurtent aux velléités sportives des touristes.

La question du rapport à ce qui nous entoure se pose alors avec force: comment maintenir un lien, avec autrui, avec notre environnement, avec nous-même - alors que tout semble être fait pour que l’on crie sans plus pouvoir se comprendre?