L'édito de Serge Molla - Téléfilms s’abstenir, vraiment ?

Le 20 novembre 2013


Tout cinéphile digne de ce nom, dit-on fréquemment, ne confond pas véritables films de cinéma et productions télévisuelles. Les premiers seraient, paraît-il, mieux filmés et construits plus solidement, leurs dialogues seraient plus riches, le jeu de leurs acteurs plus remarquable, etc.

Mais est-ce si évident? Bien sûr,  qui dit série – terme plus noble qui a progressivement remplacé celui de feuilleton – dit formatage, soit une construction suffisamment habile pour que le spectateur devienne bien vite un «accroc». Il serait toutefois regrettable de considérer avec dédain les séries d’hier qui retinrent l’attention, du genre Mission: Impossible, Le Prisonnier et Chapeau Melon Bottes de cuir, qui hantent encore bien des mémoires. Pourquoi cela? Probablement parce que, comme le suggère Martin Winckler dans son Petit éloge des séries télé (Folio 5471), ces séries «n’étaient pas seulement bien racontées, mais aussi audacieuses –  par leur construction, l’attention qu’elles exigeaient du public, la complicité qu’elles savaient établir et l’impertinence ou l’acidité dont elles faisaient preuve...»
Certes, les moyens mis en œuvre pour une série télé n’étaient hier pas les mêmes que pour un véritable film, et cela se ressentait souvent à l’image. Mais il n’est vraiment pas sûr que cela soit aujourd’hui encore le cas. Et si pour une fois, c’était une chance.
Ainsi, certaines séries en provenance des Etats-Unis recèlent parfois des scénarios d’une subtilité que l’on aimerait trouver dans leurs superproductions. Ce fut par exemple le cas de  la série Fringe – de 100  épisodes, cocréée par J. J. Abrams, Alex Kurtzman et Roberto Orci – qui arpentait les frontières du fantastique et de la science-fiction, non sans offrir de solides portraits de personnages fragiles.
Mais il y a plus encore, tant on notera que l’opposition entre productions télé et  grand écran tend à s’estomper. Prenez-en pour preuve les téléfilms mettant en scène le personnage de l’inspecteur Wallander, tiré des romans de Henning Mankell et interprété magnifiquement par Kenneth Branagh. Ou songez à la série théologique Ainsi soient-ils de Bruno Nahon, Vincent Poymiro, sans oublier la récente mini-série Top of the Lake écrite et créée par Jeanne Campion et Gerad Lee.
Pour une fois que la perte des repères s’avère positive, qui s’en plaindrait?

Serge Molla