L'édito de Nadia Roch - Nostalgie, quand tu nous tiens...

Le 25 septembre 2015

Il fut un temps où le cinéma était un événement. Les gens se rendaient dans les salles obscures comme ils allaient au spectacle, pour vivre un moment intense et le partager. Ils faisaient patiemment la file devant les différents édifices aujourd'hui disparus au profit des multiplexes.

Parfois, un barman servait une boisson et discutait avec les habitués qu'il reconnaissait. Des placeurs accompagnaient les spectateurs à leur place, et des personnes passaient avec des paniers pour vendre des esquimos. L'opérateur préparait les bobines avec soin et les chargeait sur le projecteur. Un fois la lumière éteinte, le doux ronronnement des machines chantait alors en cabine. Le professionnel observait avec soin la marque en haut de l'image qui lui indiquait le moment précis où il devait changer le second projecteur puis, au deuxième signe, faire le «change machine» sans que le spectateur ne s'en aperçoive.

Certes, certains soucis pouvaient survenir mais l'opérateur trouvait régulièrement les solutions. Que ce soit un problème de perforation dans la pellicule, ou une bobine montée à l'envers, on pouvait toujours réparer ou trouver une copie de secours. Aujourd'hui, le «né-numérique» (à ne pas confondre avec la numérisation) a remplacé l'argentique. Finis les différents formats 35mm, 16mm, remplacés par une technologie dont les images sont composées de pixels par ligne et par colonne, et dont les unités s'appellent «2K» et «4K».  Les contenus «cinéma numérique» sont des fichiers DCP (Digital Cinema Package), distribués sur disques durs ou par connexion satellite, copiés sur les serveurs des salles connectés aux projecteurs numériques, puis projetés sur les écrans.

Cette révolution apporte de nombreux avantages: une meilleure qualité de projection (plus de raies, de sauts d'image), un coût moins important à la réalisation, les disques durs peuvent être réutilisés, une facilité d'accès, un gain de place en cabine permettant de rajouter des places lors de nouvelles constructions, besoin de moins de personnel... Parlons maintenant des inconvénients: le nombre de séances annulées car la clé (appelée KDM soit Key Delivery Message) permettant de décrypter le film n'a pas été livrée. Dans ce cas (fréquent), il n'y a rien à faire hormis le fait de supprimer tout simplement le bon moment qui nous attendait! Le taux de panne est important car l'installation n'est pas vérifiée: aussi, au dernier moment, un problème de lecture de fichiers survient pour la plus grande désillusion des spectateurs.

Pas de Jake Gyllenhaal, ni de George Clooney mais à la place des spots publicitaires que nous devons supporter sans compter l'odeur des bidons de pop-corn qui nous entourent...  nous composons avec ces nuisances car les acteurs mentionnés ci-dessus méritent cet effort mais quand finalement l'inévitable arrive et que la phrase fatidique «nous sommes désolés, nous ne pouvons vous présenter le film, problème technique» se fait entendre, la déception est à son comble. Dès lors, un bref instant, nous repensons avec nostalgie au passé, n'osant pas formuler nos remarques de peur d'être traité de ringard... L'évolution des technologies est inévitable mais pouvons-nous vraiment parler de progrès?

Nadia Roch