L'édito de Serge Molla - Nécessaire fiction

Le 18 juin 2015

Actualité sociale. Inutile pour eux d’aller découvrir La loi du marché. Pôle Emploi et le parcours du combattant, ils sont des millions de chômeurs à les connaître au quotidien.

En revanche, tous les privilégiés qui ne souffrent pas du désœuvrement et n’ont pas à faire face à la dévalorisation de soi, à la culpabilité qui rattrape, au découragement qui isole…, ce sont eux qui doivent impérativement voir le film de Stéphane Brizé.
   Actualité sociale bis. Quand se souviendra-t-on que le mot intégration vient de l’adjectif latin integer qui signifie intègre, honnête, incorruptible,  équitable, impartial ? Ce jour-là, Dheepan, Palme d’or à Cannes, ne seraplus qu’une fiction.
Actualité politique. Inutile pour des milliersde voir ou revoir La Pirogue de Moussa Touré. Tenter de gagner les côtes italiennes ou espagnoles dans des embarcations de fortune, ils connaissent au péril de leurs existences. Et ce film de 2011, même s’il n’est plus au programme des salles obscures, se visionne hélas toujours sur les écrans d’informations, les politiques européennes d’accueil ne l’ayant pas démodé, bien au contraire ! Du coup, la voix de ses innombrables acteurs se fait encore entendre : « Vous pouvez repousser, non pas ramener, le départn’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples. »(Eri de Luca)
Actualité religieuse. Film porteur du tragi-comique de la vie, Mia Madre a obtenu le Prix du Jury œcuménique au récent Festival de Cannes. Réalisation très révélatrice d’une société où le drame de la mort d’un proche peut se vivre, sans aucun rapport au religieux. Cinéaste italien, culture italienne...,  et pourtant pas l’ombre d’un prêtre au chevet de la « mama » qui se meurt ou aux côtés de ces enfants qui accompagnent leur mère dans sa dernière ligne droite. Aveuglante absence qui devrait aujourd’hui interroger toute Eglise.
     Le cinéma divertit, certainement, mais parfois aussi il éveille les consciences. Il force à voir. Si seulement il forçait à agir ! Alors la réalité ne ferait plus écran aux bonnes intentions et aux belles résolutions qui toutes, ensemble et séparément, ne sont que buée.

Serge Molla