L'édito de Serge Molla - Les prix de l’œcuménisme

Le 21 septembre 2011

C’est un constat presque constant... A l’issue des festivals internationaux de cinéma, rares sont les médias qui citent les films ayant obtenu un prix ou une mention spéciale du Jury œcuménique. Il faut bien reconnaître que, dans les palmarès officiels, ceux-ci sont généralement relégués en queue de liste.

La présence de Jurys œcuméniques ne date pas d’hier ni même d’avant-hier. Très tôt, les Eglises, tant du côté catholique-romain que réformé, ont saisi les enjeux représentés par le 7e art. Certes, dans un premier temps, ce qui s’appelait alors l’Office catholique international du cinéma (OCIC) œuvrait dans un certain esprit de censure, classant les films selon les critères moraux en cours et en en mettant un certain nombre à l’index... Mais le temps n’est plus où, comme dans IL POSTINO, le curé d’Echallens trônait dans la cabine de projection du cinéma et plaçait sa main devant l’objectif pour masquer des scènes qu’il jugeait trop osées... Des théologiens éminents analysent des longs métrages, des revues spécialisées de bon niveau (Ciné-Feuilles espère être du nombre...) donnent un point de vue - c’est le cas de le dire - chrétien, des jurys choisis par SIGNIS (ex-OCIC) et par INTERFILM (organisation réformée internationale du film) ont conquis une place reconnue dans des festivals d’envergure: Berlin, Bratislava, Cannes, Fribourg, Karlovy Vary, Locarno, Montréal, Nyon, etc.

L’air du temps aidant, voici qu’apparaissent des Jurys interreligieux. Après Visions du Réel, il convient de saluer la naissance d’un tel cénacle à l’occasion de la 68e Mostra internazionale d’arte cinematografica de Venise, et cela sur l’initiative du président d’INTERFILM, notre compatriote Hans Hodel. Pour la première fois, un «prix pour la promotion du dialogue interreligieux à un film renforçant compréhension, respect, sympathie et paix entre des personnes différant par leur histoire et leur foi» a été décerné. L’organisation faîtière réformée entend par là poser un signe positif pour les espérances et les craintes partagées, par la reconnaissance de l’autre comme voisin et par la confiance en la capacité de l’imagination artistique à surmonter méfiance et hostilité.

Rappelons qu’INTERFILM, fondée en 1955 par des représentants des Eglises réformées européennes, comprend en outre aujourd’hui des membres orthodoxes, anglicans et israélites.

Le Jury interreligieux de Venise a récompensé GIRIMUNHO (Le Tourbillon) de Helvécio Marina Jr. et Clarissa Campolina (Brésil, 2011). Le film évoque Bastu, une octogénaire vivant dans un petit village brésilien et se trouvant aux prises avec la mort de son mari. Par sa personnalité unissant sagesse, humour, sensibilité et opiniâtreté, elle se forge une attitude comprenant vie et mort, individualisme et lien social. Dans un jeu nuancé de lumière et d’ombre, de musique et de sons, le film développe une perspective libératrice dans laquelle des usages religieux et des formes de foi peuvent être reconnues comme des dimensions élémentaires de la vie.

La balle est maintenant dans le camp des distributeurs pour que le public suisse puisse apprécier le bien-fondé de ce choix...

Daniel Grivel (CF 641)