L'édito de Daniel Grivel - Le machin

Le 06 novembre 2013

On se souvient que Charles de Gaulle, qui avait son franc-parler, avait affublé l'ONU de cette épithète péjorative. Selon le dictionnaire, machin désigne par dérision un objet quelconque. Sans vouloir polémiquer, on est tenté de dire que la Commission nationale du film et de la protection des mineurs est aussi un machin...

Dans leur grande sagesse, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police, celle des directrices et directeurs cantonaux de l'instruction publique, l'Association suisse des exploitants et distributeurs de films et l'Association suisse du vidéogramme ont mis en place une classification des films à l'échelle nationale, en vigueur depuis le début de cette année. Il paraît que la population aurait de plus en plus de peine à comprendre la disparité qui régnait sur les âges d'admission d'un canton à l'autre.
Il y avait eu pourtant un progrès notable (pour ne pas dire historique, le fossé séparant les Vaudois des citoyens de Piogre étant réputé infranchissable...) en Suisse romande, lorsque les commissions vaudoise et genevoise ont réuni leurs efforts afin de présenter une liste commune. La barrière de rösti, elle, n'en reste pas moins réelle, cela se vérifie souvent lors de scrutins fédéraux, et je me rappelle avoir participé à l'élaboration d'un film du Service cinématographique de l'armée où il a été tenu compte d'un détail culturel non négligeable: les pioupious alémaniques étaient attablés autour d'une bière, tandis que les Romands sifflaient un coup de blanc... La Commission du film et de la protection des mineurs, dont l'un des vice-présidents est Fabrice Wulliamoz, président de l'organe cantonal vaudois de contrôle des films et dont font partie deux rédactrices de Ciné-Feuilles, assure la représentation des différentes langues et régions du pays et peut se subdiviser en comités ad hoc (et pour cause, puisqu'elle compte près d'une septantaine de membres!). Elle siège en plenum au moins deux fois par an. Soit! Mais allez voir le site www.filmrating.ch et consultez les rares notices sur les films: elles sont en allemand, en français, en anglais, et souvent pauvres. Rien à voir avec les fiches du site www.filmages.ch, par exemple!
Mais plus grave me semble le fait que la lourdeur de l'appareil et le coût accru des visions destinées à l'octroi d'une dérogation d'âge dissuadent les distributeurs de formuler de telles demandes. C'est ainsi que de nombreux films de qualité restent hors de portée des jeunes spectateurs qui, à nos yeux, méritent de voir aussi autre chose que les blockbusters hollywoodiens. On est dans le domaine des films ratés, et c'est dommage.

Daniel Grivel