L'édito de Philippe Thonney - Hommage au cinéma populaire

Le 30 juin 2016

Le 20 avril dernier disparaissait dans l’indifférence générale le cinéaste britannique Guy Hamilton. Une disparition passée injustement très inaperçue, à l’exception de quelques lignes sommaires ici ou là dans la presse et d’un tweet attristé de Roger Moore.

Né en 1922, après avoir débuté en étant notamment assistant de Carol Reed (et doublure d’Orson Welles !) pour Le Troisième homme, il réalisera entre autres quatre James Bond dont le mythique Goldfinger,  un gros film de guerre (La Bataille d’Angleterre), et deux adaptations d’Agatha Christie (son Meurtre au soleil avec Peter Ustinov, Diana Rigg et James Mason est un pur régal).

HamiltonGuyGuy Hamilton faisait partie d’un groupe incluant la grande majorité des cinéastes d’hier et d’aujourd’hui : le groupe des artisans. Des réalisateurs certes sans génie conceptuel, sans vision  artistique révolutionnaire, sans message sociétal à transmettre, mais des amoureux absolus du cinéma ayant grandement contribué à en faire un Art populaire pour le public le plus large et le plus varié. Des auteurs de films qui ne seront jamais étudiés dans des écoles de cinéma ou décortiqués dans des colloques universitaires, n’ayant rien eu d’autre que la très louable ambition de permettre au spectateur de se divertir intelligemment. Ce « cinéma du samedi soir », tant méprisé depuis toujours par les critiques, peut très souvent être remarquable et soigné, populaire sans être débilitant, et destiné au plus grand nombre. C’est comme de lire au coin du feu un roman d’Agatha Christie ou de Frédéric Dard, qui n’écrivaient certes pas les mêmes choses que Descartes, mais ont donné du plaisir à beaucoup plus de lecteurs.

Attention bien sûr de ne pas tomber dans l’extrême inverse, comme dans beaucoup de comédies françaises actuelles: laisser en roue libre devant la caméra une vedette du one man show ou du web, en pratiquant le lavage de cerveau vulgaire et racoleur.

Ce sont donc les créateurs comme Guy Hamilton et des centaines d’autres qui contribuèrent, par leur passion et leur enthousiasme, malgré leurs maladresses et leur aspect parfois commercial, à faire du cinéma l’Art populaire du 20è siècle. Rappelons que lors de la sortie de Goldfinger à Paris en 1964, les portes en verre du cinéma Wepler explosèrent sous la pression de la foule. Jolie anecdote pour un cinéaste considéré par de nombreux critiques comme un simple tâcheron !

Il est important de leur rendre hommage. Car pour un seul visionnaire génial comme Chaplin, Sergio Leone ou Stanley Kubrick (voire même Tarantino), combien d’artisans sincères et consciencieux tels que John Guillermin, Henri Verneuil, Richard Fleischer, Jacques Deray… ou Guy Hamilton ?

Philippe Thonney