L'édito de Antoine Rochat - En 2011, nous avons aimé…

Le 11 janvier 2012

Tradition oblige? A l’instar d’autres publications, Ciné-Feuilles vous propose la liste des films que sa rédaction considère comme les meilleurs de l’année écoulée. Voici donc 16 titres, 16 excellents films qui obtiennent une moyenne de 16 à 18,4 (calculée sur quatre notes au minimum). Seize longs métrages qui correspondent aux 5% des 300 films sortis sur les écrans romands ces douze derniers mois.

Tout comme ces dernières années, et alors même que les salles de cinéma de notre pays sont envahies par les productions américaines et françaises (près de 50% des films projetés), l’éclectisme de nos choix reste patent. Fictions et documentaires (KINSHASA SYMPHONY, NOSTALGIE DE LA LUMIERE) proviennent de 15 pays différents, quand bien même l’origine de certains films est difficile à préciser. Ainsi, LE HAVRE est une coproduction franco-finlandaise, LE GAMIN AU VELO a eu recours à des fonds belgo-franco-italiens, THE ARTIST, film français, a été tourné à Los Angeles…

Le lecteur ne sera pas surpris de découvrir dans cette liste bon nombre de films que l’on qualifiera de «sérieux», en quête d’un sens à donner à l’existence, bien ancrés dans la réalité et qui se réfèrent souvent à une réflexion d’ordre éthique. Foin de divertissements grand public! Nos préférences vont en direction d’un cinéma qui interroge: la solidarité (LE HAVRE), la famille (WINTER’S BONE), l’âme humaine (IL ETAIT UNE FOIS EN ANATOLIE), la mémoire des événements passés (LE DERNIER VOYAGE DE TANYA, NOSTALGIE DE LA LUMIERE, NA PUTU), le fonctionnement d’une société (UNE SEPARATION, ET MAINTENANT ON VA OU?), le cinéma et le temps qui passe (THE ARTIST, HUGO)…

On sera peut-être étonné de ne découvrir parmi les 16 titres cités que deux productions américaines (alors que près de 30% des films distribués dans notre pays proviennent des Etats-Unis): WINTER’S BONE, de la cinéaste indépendante Debra Granik, et HUGO, de Martin Scorsese, sorti fin décembre et qui, sur la ligne, sauve l’honneur du cinéma d’outre-Atlantique. Mais avec l’aide de 6 pays d’Europe et du Canada, le Nord de notre planète reste majoritaire. L’Afrique, elle, est aux abonnés absents, tout comme l’Asie, alors que plusieurs cinématographies de cette région du globe - de l’Inde et de la Chine en tous cas - sont florissantes. Quant à l’Amérique latine, elle n’est représentée que par le Chili. Restent l’Est (deux films russe et géorgien) et le Proche-Orient: Turquie, Liban, Iran…

A propos d’Iran: le lecteur attentif aura sans doute remarqué la présence - et c’est une «première» due en partie au hasard de la distribution - de deux films du réalisateur iranien Asghar Farhadi, deux films superbes et tournés dans des conditions difficiles. On sait que d’autres cinéastes iraniens de talent (Panahi, Rasoulof, etc.) sont interdits de tournage et assignés à résidence. En pensant à LA SEPARATION et à A PROPOS D’ELLY, on soulignera que le cinéma iranien, tenu à des jeux de cache-cache subtils avec la censure, fait actuellement preuve de beaucoup de vitalité: «Les vexations et la menace permanente donnent encore plus d’énergie à nos films», a déclaré Rafi Pits, autre réalisateur iranien (en exil). Gide l’avait déjà dit sous une autre forme: «L’art vit de contrainte, et meurt de liberté»…

Antoine Rochat (CF 650)