Freddy Buache

Le 05 décembre 2012

Lorsqu’on demande à Jean-Luc Godard ce que représente pour lui la Cinémathèque suisse fondée par son ami Freddy, sa réponse est sans appel : « Même chose que le Louvre pour les poètes du XIXème…


DVD FreddyBuacheEux, ils ont fait des films en les montrant ! » Il parle là de Langlois, Ledoux et, bien sûr de Buache, dont sa compagne Marie-Madeleine Brumagne disait: «Il doit aller là où il veut se rendre. Il ne peut pas dévier de sa route». «Tant mieux! », a-t-on envie d’ajouter. Car ce dont il faut se rappeler et se réjouir, c’est que c’est homme a permis avec quelques rares autres non seulement de sauver des chefs d’œuvre d’origines multiples, mais aussi de les faire connaître largement. A tel point qu’on l’accusa de trop user les copies à force de les montrer! Autant dire que le documentaire* en deux parties de Michel Van Zele vient à point nommé rendre justice à un homme dont l’apport fut considérable.

En s’appuyant sur de nombreux documents d’archives et en compagnie de Buache lui-même qui revient sur les lieux marquant de son enfance et de sa jeunesse (Villars-Mendraz, puis Lausanne), puis évoque sa rencontre avec Henri Langlois, qui décidera de toute la suite, Van Zele rend très vivant le portrait qu’il tire de cet homme passionné, de ce poète féru de théâtre et de peinture, devenu passeur d’un art en plein essor qu’il n’aura de cesse de faire connaître et de soutenir. Autant dire que ce coffret forme un excellent complément aux entretiens que Buache accorda au chroniqueur et écrivain Christophe Gallaz et au cinéaste Jean-François Amiguet et publiés sous le titre Derrière l’écran (coll. Poche Suisse à l’Age d’Homme).

Cheminer durant plus d’une heure et demie aux côtés de Buache, c’est un moment de bonheur où les querelles et les ressentiments s’esquivent pour laisser tout l’espace au cinéma à son histoire, aux amitiés magnifiques (Michel Simon, Daniel Schmied…). Du coup, c’est aussi l’histoire de ce canton qui se tisse à l’écoute des apports d’Alain Tanner, de Pietro Sarto, de Jacques Chessex, de Michel Contat… En outre, et le complément n’est pas moindre, le second DVD regroupe de magnifiques séquences issues des archives de la Radio Télévision Suisse et de la Cinémathèque, et le solide Cinéma en tête de Marie-Magdeleine Brumagne.

Freddy Buache nous a appris à ouvrir les yeux, à découvrir des styles, des genres, des regards et des engagements, et à avoir accès à des chefs d’œuvres, dont l’âge est sans importance. « Hier, se souvient Godard, on ne faisait pas de différence entre les films récents des années 50 ou 60 et Le dernier des hommes de Murnau ». Aujourd’hui, avant de se demander sur quel rivage va nous porter un film, on se demande ce qu’il va rapporter. Et là les colères de Freddy Buache paraissent bien salutaires et à retenir. Ces DVD, augmenté d’un petit fascicule riche de quelques sympathiques photos et témoignages s’y emploient. Tant mieux !

Serge Molla

*Cinémathèque suisse/RTS

DVD 1 : Freddy Buache, passeur du 7e art de Michel Van Zele : part. 1 (2007, 53’) et part. 2 (2012, 44’)
DVD 2 : Freddy Buache, Le Cinéma de Fabrice Aragno (2012) et Cinéma en tête, dans la série Personnalités suisses de Marie-Madeleine Brumagne (1969, 51’)