L'édito de Sabrina Schwob - Du Locarno Festival au blockbuster

Le 22 août 2018


En même temps que prend fin la pause estivale de Ciné–Feuilles - dont le nouveau graphisme, nous l’espérons, rencontrera votre enthousiasme - s’achève le Locarno Festival. L’occasion d’un petit retour sur cette 71e édition. Comme l’a indiqué son directeur Carlo Chatrian, lors de la cérémonie d’ouverture, la programmation de cette année «se veut plus légère et plus libre», même si les films n’en demeurent pas moins courageux. C’est ce qu’on a pu constater avec par exemple Coincoin et les Z’inhumains (Bruno Dumont, France), Diane (Kent Jones, USA), BlacKkKlansman (Spike Lee, USA), Temporada (André Novais Oliveira, Brésil), la rétrospective de Leo McCarey ou encore Como Fernando Pessoa Salvou Portugal (Eugène Green, Portugal/France/Belgique). Cet échantillon met aussi en évidence l’hétérogénéité, pour autant qu’on explore plusieurs sections du festival, des films sélectionnés. Ainsi, il est possible de sortir d’une séance sur un film expérimental de la catégorie «Signs of Life», pour enchaîner avec un classique des années 20 et de finir sa soirée avec un blockbuster sur la Piazza Grande.

Cette diversité est d’ailleurs constitutive à l’histoire de ce festival. En 1971 notamment, l’aménagement de la Piazza pour des projections en plein air résulte d’une décision de ne plus restreindre le festival à une élite, décision qui lui a permis de perdurer…

Quoi qu’il en soit, assister à un programme avec des œuvres aussi variées nous fait bien sentir la différence entre un cinéma qui joue, déconstruit les codes institués du médium (notamment narratif) et celui qui tente par l’adoption de ces mêmes codes de concilier, idéalement, les goûts d’un large public et ceux de la critique. Des grands réalisateurs du cinéma classique hollywoodiens parvenaient avec brio à combiner ces deux tendances, il suffit de penser à Alfred Hitchcock, Howard Hawks ou encore Douglas Sirk. S’il n’est bien sûr pas question d’affirmer la suprématie d’une «catégorie» sur l’autre, il nous semble cependant louable de parvenir aujourd’hui, alors qu’une quantité de blockbusters ne sont que prétextes à un enchaînement d’effets spéciaux (Saban’s Power Rangers, Rampage: Hors de contrôle, Skyscraper), à allier au plaisir une réflexion sur l’utilisation du médium cinématographique et sur sa place dans la société, ce que BlacKkKlansman accomplit avec beaucoup de réussite.