L'édito de Adèle Morerod - D’ombre et de lumière

Le 10 avril 2019

La magie du cinéma naît d’une obscurité éclairée. L’image, maintenant rare, du faisceau du projecteur trouant le noir de la salle en reste l’incarnation la plus évidente. Ce rapport à l’ombre s’est également posé de manière technique: en effet, comment rendre la nuit à l’écran, lorsque la lumière est essentielle pour fixer l’image? De la nuit américaine, qui permet d’assombrir les images par un procédé de filtres et dont Truffaut s’inspirera pour le titre de son célèbre film, aux noirs profonds des films hollywoodiens classiques, qui jouaient sur les clairs-obscurs grâce à des éclairages partiels, l’obscurité semble bien constituer l’une des deux faces du cinéma.

Ombre et cinéma: lieux des rêves par excellence. Dans les récits, la nuit fascine encore et toujours les réalisateurs. Temps suspendu, espace incertain, elle permet de redéployer les gestes du quotidien dans une forme de chant lancinant dans le Closing Time de Nicole Vögele. Il s’agit parfois d’en faire le symbole de craintes plus profondes, traumatiques, comme en témoigne Le Labyrinthe de Pan, de Guillermo del Toro, qui la rend à la fois sublime et inquiétante pour parler du franquisme (voir «Un regard sur»). Ou alors, on la fuit, comme Alex dans L’Adieu à la nuit, qui espère retrouver dans le djihad la lumière éclatante de valeurs depuis longtemps disparues.

Cette tension entre lumière et ombre se joue aussi chez les personnages. Dans une énième adaptation de Blanche-Neige, la beauté pure et opaline de l’héroïne, menacée par la jalousie de sa belle-mère, ne suffit pas à rattraper un propos à la limite du sexisme. Quant au film de Julian Schnabel, At Eternity’s Gate, la folie qui gagne le peintre Van Gogh dialogue avec les touches vives de ses tableaux. Un dernier exemple qui nous permet de saluer ici l’auteur de la critique, Noé Maggetti. Etudiant en Lettres à l’Université de Lausanne, il vient ajouter sa plume et son regard à la revue. Nous l’en remercions et lui souhaitons la bienvenue!