L'édito de Sabrina Schwob - Des solitudes épargnées

Le 03 novembre 2021

En tant qu’art collectif, projeté en salle obscure, le cinéma s’oppose aux arts conçus dans la solitude et voués à la découverte individuelle. Pourtant, depuis des décennies déjà, d’autres formes de visionnement de films nuancent cette conception du cinéma.

Ne pouvant faire fi de ces pratiques alternatives, désormais dominantes, des festivals tels que le Geneva International Film Festival (GIFF) les mettent au-devant de la scène, comme le souligne Anaïs Emery, nouvelle directrice, dont l’entretien introduit ce numéro. Le lieu de visionnement conditionne aussi le type de films - le spectateur n’étant pas nécessairement le même -, si l’on pense par exemple aux productions destinées à une audience télévisuelle.

Le Lausanne Underground Film & Music Festival (LUFF) a lui aussi donné sa pleine visibilité à un cinéma solitaire, le cinéma expérimental, généralement diffusé en dehors des salles obscures. Pour cette édition, le cinéma de genre occupe une place dominante, avec aussi la présence de The Amusement Park, film de commande longtemps oublié de George A. Romero, cinéaste qui a participé à redorer le blason du cinéma d’horreur. Les propos de Maxime Lachaud dans les pages consacrées à ce festival mettent en lumière l’histoire de ce film.

La solitude se retrouve également dans la vie des protagonistes des œuvres proposées dans ce numéro, qui, par le hasard d’une situation et la contiguïté spatiale, se retrouvent forcés à interagir. Dans Tre Piani de Nanni Moretti, ce sont de tristes événements principalement qui rassemblent les familles d’une même maison, liées dès l’ouverture du film par un accident. Leurs préoccupations individuelles les enferment pourtant dans une solitude qui les empêche de véritablement se rencontrer. Dans Ghosts (Azra Deniz Okyay), les parcours de trois personnages s’entrechoquent au cours d’une nuit, tandis que les deux voyageurs du Compartiment N° 6 (Juho Kuosmanen) peuvent quant à eux oublier leur solitude et dépasser leurs différences sociales et culturelles, le temps d’un trajet au moins. Gageons que les salles et le cinéma soient aussi l’occasion de rencontres comme celle-ci.