L'édito de Sabrina Schwob - Des salles indépendantes revalorisées grâce à Netflix ?

Le 28 novembre 2019

Plusieurs bouleversements semblent ébranler ces derniers temps les dynamiques qui régissent le monde du cinéma, et plus généralement celui du film, indépendamment de son moyen de visionnement. Au moment où des plateformes en ligne concurrentes à Netflix (Apple TV + ce mois-ci, Disney Plus prochainement), débarquent sur le marché suisse, sortent en salles des films produits par la plateforme reine - jusqu’alors tout du moins.
La menace que représente Netflix pour les salles obscures est indiscutable, celle-ci privilégiant avant tout la diffusion en streaming et ne proposant qu’occasionnellement et accessoirement de le faire dans les cinémas. Ceci sans compter que la plate-forme ne respecte pas le délai d’exclusivité octroyé au grand écran avant que le film puisse être récupéré par d’autres moyens de visionnement.
Pourtant, malgré cette concurrence déloyale faite au cinéma, Netflix ne paraît pas entièrement dénué, paradoxalement, d’avantages. Tout d’abord, de meilleures conditions offertes aux réalisateurs pour la production de leurs films. Pour The Irishman, distribué dans quelques salles avec un nombre de séances limité, Martin Scorsese se résigne, selon des propos qu’il relate dans Le Temps, à réaliser dorénavant des films pour «un écran et un public», quand bien même celui-là appartiendrait au petit écran, à cause des difficultés ces dix dernières années de trouver un financement.
L’autre «rayonnement paradoxal» possible du visionnement en ligne, pour la Suisse du moins, découle des cinémas choisis par Netflix pour diffuser ses productions. A Lausanne par exemple, le cinéma du Bellevaux a projeté en exclusivité Roma d’Alfonso Cuarón l’année passée, ainsi que The Irishman et Marriage Story de Noah Baumbach ces dernières semaines. Ce privilège donné à une salle indépendante résulte en partie de l’interdiction qu’ont les salles de rendre public le nombre de visiteurs ainsi que, selon Le Temps, de la possibilité pour elles de se soustraire au respect du délai de 90 jours avant que la diffusion du film en question ne se fasse sur un autre support.
Qu’il y ait un lien ou non entre le combat que devra livrer cette plate-forme pour régner sur le streaming et la sortie de deux œuvres de réalisateurs renommés dans une période si rapprochée, on ne peut qu’espérer que cette situation permettra d’assurer une plus grande visibilité de ces salles cachées dans l’ombre des multiplexes.