L'édito de Sabrina Schwob - Des représentations (réalistes) au cinéma

Le 22 octobre 2020

Le cinéma accorde une attention particulière ces dernières années à déconstruire les normes actuelles de la représentation pour épouser le point de vue de minorités ou celui de personnes soumises à la pression exercée par les plus puissants. Au point où ceci devient un critère essentiel dans le jugement porté sur une œuvre: le film retraduit-il fidèlement ce qui est éprouvé par une majorité (au sein d’une minorité), soit dans l’intimité soit dans la confrontation à une norme? Ainsi le réalisme, qui ne renvoie pas à la même chose selon les époques, semble se définir actuellement selon l’adéquation de la représentation à cette réalité-là.

C’est ce que l’on observe dans un film post- (affaire) Weinstein, The Assistant de Kitty Green - comme Scandale l’année dernière - qui dénonce le harcèlement systémique et omniprésent dans les rapports hiérarchiques. Ou dans A Perfect Family qui, bien qu’il n’adopte pas directement la subjectivité de la femme transgenre, observe les répercussions sur l’ensemble d’une famille d’une transition chez le père. Dans les deux cas, l’essentiel semble reposer sur le sujet abordé plus que sur la forme adoptée pour en parler: dans celui-là, les «questions artistiques» ne sont pas premières, tandis que dans celui-ci, le traitement est plus proche d’une esthétique télévisuelle que cinématographique.

Dans cette perspective, Sous les étoiles de Paris échoue lamentablement, par une enjolivation de la misère sociale, qui vise à «dédramatiser le drame» du vécu de marginaux. Une autre représentation mensongère sous-tend le teen movie After - Chapitre 2 qui fait des relations passionnellement destructrices le véritable foyer de l’amour.

Bien loin de contenir cette contradiction-là, Yalda, la nuit du pardon n’évite pas un paradoxe. En plantant ses décors dans les bâtiments d’une émission de télé-réalité, le film dénonce la fabrication mensongère des images, tout en adoptant par moments une forme proche du thriller avec des rebondissements (en coulisses) dignes de mélodrames, afin de captiver le spectateur.

Pour l’éternité, quant à lui, se situe en dehors de cette visée réaliste. En effet, tout est en apparence faux, artificiel, du jeu des acteurs à la présence de la voix over en passant par la coprésence de différentes époques au sein du film. Il n’empêche que de la théâtralité émerge une réflexion tout aussi percutante sur l’être, son impuissance et sa solitude.