L'édito de Sabrina Schwob - Des clichés au cinéma

On ne compte plus le nombre de films dont l’histoire est précédée, et légitimée, par le fameux «basé sur une histoire vraie». Si cela ne permet a priori pas de prédire la qualité d’une œuvre, cela révèle parfois un écueil dans sa conception: celui de prétendre restituer, sans élaboration ni interprétation, le réel. Emblématique des travers possibles de ce principe, le dernier long métrage de Faith Akin, Der Goldene Handschuh, en sélection officielle à la Berlinale, qui justifie la complaisance extrême avec laquelle il filme des actes ignobles et violents par l’existence réelle du protagoniste.

Un autre danger, qui n’exclut aucunement les bonnes intentions de base, est d’aborder un sujet sans craindre de reproduire des stéréotypes, autrement dit de ne pas partir de l’observation singulière d’un phénomène mais de réutiliser une représentation figée de celui-ci. Plusieurs des articles de ce numéro mettent en évidence les clichés sur lesquels reposent certaines narrations dont All Inclusive, ainsi que The Wife et Jusqu’ici tout va bien, en partie seulement.

Sibel (Guillaume Giovanetti et Çagla Zencirci), au contraire, évite les stéréotypes en refusant une «représentation sommaire» des personnages. De la même manière, les œuvres les plus percutantes de la Berlinale (voir article en fin de numéro) proposent quant à elles d’atteindre la réalité soit par le recours à la fable (Monos d’Alejandro Landes) soit par une merveilleuse appropriation d’images de fiction (Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais), qui dialoguent ou précisent le cri déchirant et sublime du réalisateur qui ne parvient à contempler les choses qu’à travers le cinéma. Mais aussi Nos défaites de Jean-Gabriel Périot (voir «Un regard sur», CF n. 805), suggérant dans ses dernières images une mise en branle des consciences par le cinéma. Ces œuvres résonnent alors avec nos craintes, nos inquiétudes ou nos espoirs, suscitent des émotions fortes et confirment que le cinéma est un moyen de nous restituer une perception singulière et originale sur le monde, qui nous invite à l’interroger.