L'édito de Sabrina Schwob - Cinéma de l’intime

Le 02 février 2020

Partons d’un poncif. Le cinéma n’est pas seulement un art mais aussi une industrie demandant un investissement conséquent, en termes de budget, mais aussi de travail collectif, afin qu’une œuvre puisse émerger.

Il n’empêche que l’absence de grands moyens n’entrave pas pour autant la possibilité de faire du cinéma, même pour une diffusion en salles. Le cinéma documentaire est un genre dans lequel il semble aisé de remplacer l’apport financier par l’inventivité, d’autant plus avec l’avènement du numérique, en témoigne le discours d’Agnès Varda dans Les Glaneurs et la glaneuse (2000) qui affirme que ce film n’aurait pu se faire sans ce nouveau moyen technologique.

Dans ce numéro, deux films sont exemplaires de cette manière de concilier le peu de moyens avec le sujet choisi. Il s’agit de Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais et Je ne sais pas si c’est tout le monde de Vincent Delerm - qui bénéficie de quelques projections, en présence du réalisateur, à Paris et dans d’autres villes de France, en plus d'une diffusion en ligne sur le site d’Arte. Quant à leur perspective sur la vie, elles se situent aux antipodes l’une de l’autre, le premier faisant du cinéma un rempart carcéral contre le monde qu’il juge infâme et violent, alors que le second cherche au contraire à retenir et évoquer des instants qui font prendre conscience de l’existence, dans ce qu’elle a d’éphémère et d’essentiel. Mais les deux cinéastes récupèrent du matériau déjà existant, des extraits de films pour Beauvais - suffisamment courts pour éviter de devoir payer des droits probablement - des chansons ou des séquences filmées sans but particulier chez Delerm, qui trouve ainsi un moyen d’expression de soi où la voix-over joue un rôle essentiel. Ainsi, ils s’inscrivent dans un cinéma actuel à la première personne, autobiographique, tout comme Alain Cavalier, Chantal Akerman ou encore Agnès Varda avant eux.