Carte blanche : Chloé Hofmann

Le 09 mars 2022

Et l'animation dans tout ça?


Peut-être le savez vous? Le cinéma d’animation suisse a célébré ses 100 ans en 2021. Comme nous le rappelle Roland Cosandey, l’histoire a retenu Histoire de Monsieur Vieux-Bois de Lortac & Cavé - moyen métrage réalisé dans un atelier du 14e arrondissement de Paris en 1921 - comme étant le premier film d’animation helvétique.


À l’occasion de cet anniversaire, le Groupement suisse du film d’animation (GSFA), le Festival Animatou (à Genève) et le Festival Fantoche (à Baden) - pour ne citer qu’eux - ont fait la part belle à des courts et des longs métrages réalisés depuis la sortie de celui qu’on appelle parfois Monsieur Vieux-Bois et dont les silhouettes de papier découpé et le récit ont été inspirés par des estampes du Genevois Rodolphe Töpffer.


En juin prochain, ce sera au tour du Festival international du film d’animation d’Annecy de mettre à l’honneur la production helvétique à travers des films d’hier et d’aujourd’hui qui, je l’imagine, sont considérés par les programmateurs comme emblématiques de la cinématographie de notre pays.


L’animation suisse est riche et reconnue internationalement à la fois pour ses qualités formelles et techniques, en témoignent les nombreux prix gagnés lors de festivals par les animateurs et leurs équipes dont le talent et la virtuosité sont salués aux quatre coins de la planète.


Pourtant, les occasions pour les spectateurs helvètes de voir un film d’animation suisse en salle sont peu nombreuses. Cette «carence» peut s’expliquer en partie par le format - court - de la majorité des films d’animation réalisés sur notre territoire. Jusqu’à une époque encore pas si lointaine - je peux en témoigner et il me plaît donc de dire que ce n’était pas plus tard qu’hier - on pouvait voir un court métrage (d’animation ou non) en première partie de programme. Aujourd’hui les choses ont changé et il n’est possible d’accéder à ces films - souvent si beaux, sensibles, poétiques et intelligents (oui, tout ça à la fois!) - plus que grâce à des réseaux de diffusion considérés comme «alter-natifs» (les festivals, les ciné-clubs, les cinémathèques) et généralement fréquentés par des cinéphiles initiés mais peu par un public plus «élargi».


L’animation souffre peut-être également d’être considérée comme un genre pour enfants - Disney y est pour quelque chose! - alors même qu’il suffit d’entrer dans une salle de cinéma à Zagreb, à Montréal ou à Rio de Janeiro pour se rendre compte que l’animation n’est pas qu’une affaire de mômes.


Et puis il ne faut pas être naïve. Il y a derrière cette absence de l’animation suisse dans l’espace public des enjeux politiques et financiers. Je n’ai pas la solution. Mais je m’interroge. Comment faire pour que le travail de ceux qui fabriquent des personnages et imaginent des histoires qui nous transportent, qui font glisser des grains de sable sur une plaque de verre durant des mois, qui manipulent des marionnettes et des pinceaux dans des studios, à l’abri des regards, soit valorisé?


Chloé Hofmann,

chercheuse et historienne du cinéma