Grand Jeu (Le)

Aaron Sorkin est un scénariste passionnant. Depuis plusieurs années il nous propose, au cinéma, au théâtre et à la télévision, une œuvre pointue et ambitieuse. Il s'est spécialisé dans des scénarios traitant d'affaires judiciaires, de journalisme ou de politique, des domaines où tout semblait avoir déjà été dit. Il les reprend et les transcende en y injectant du suspense, des enjeux contemporains et, surtout, de l'humain. Il est notamment le créateur d'A la Maison-Blanche, une série ahurissante de réalisme, une véritable œuvre d'art unanimement saluée et multi récompensée.

Alternant avec intelligence et fluidité les flash-back et le présent, le film décrit l'ascension d'une femme dans le monde du poker. Pas le poker des casinos ou des arrière-salles de bistrot, mais le poker caché, celui des palaces où l'on brasse des millions. Une ascension accompagnée d'une descente aux enfers, le tout suivi par une tardive rédemption. Les scènes se déroulant dans le présent sont formidables, tendues, nerveuses. Le suspense est très prenant, mêlé à un début d'empathie pour un personnage pourtant peu reluisant. Les scènes du passé sont plus pesantes et maladroites. Souvent trop rapides, trop verbeuses, elles ont tendance à donner le tournis et embrouiller le récit. Le réalisateur confond parfois rythme et précipitation. Manquant par moments de finesse et de respirations, le film reste toutefois un thriller habile. Le personnage principal est à multiples facettes et ses errements ne sont pas sans rappeler ceux d'Eddie Felson, le personnage joué par Paul Newman dans L'Arnaqueur.

Jessica Chastain, dans un rôle au fond pas si éloigné de celui qu'elle tenait dans le récent et excellent Miss Sloane, est comme toujours extrêmement nerveuse et habitée. Idris Elba est parfait en avocat et bénéficie d'une scène d'anthologie. Quant à Kevin Costner, il ne fait que passer mais on le croise avec le sourire, comme on retrouverait un vieux copain perdu de vue depuis longtemps.