Ex Libris - The New York Public Library

Affiche Ex Libris - The New York Public Library
Réalisé par Frederick Wiseman
Pays de production U.S.A.
Année 2017
Durée
Genre Documentaire
Distributeur xnix
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 780
Bande annonce (Allociné)

Critique

Ouvrez les yeux sur l’écran comme sur les pages d’un gros livre qui vous attend.

Wiseman, l’observateur insatiable investit une grande institution du savoir et la révèle comme un lieu d'apprentissage, d'accueil et d'échange. La New York Public Library (NYPL) est en effet beaucoup plus qu’une bibliothèque extraordinaire (la troisième plus grande du monde) avec ses 92 sites et rayonne dans trois arrondissements de la mégapole. Mais pour s’y introduire, aucune voix off à écouter attentivement, aucun guide à suivre pour parcourir des salles de travail, des halls d’entrée, des sous-sols… Les seules voix entendues ici sont celles du conseil de direction, en pleine réunion de travail où l’on discute budget et stratégies à venir, celles de ces bibliothécaires d’une annexe située dans le Bronx, soucieux de leurs plus jeunes lecteurs et de leurs familles, ou celles de ces écrivains dialoguant avec leur public à la pause déjeuner ou interviewé avec finesse (Richard Dawkins, Elvis Costello, Patti Smith, Ta-Nehisi Coates).

Etonnamment, en sus du réalisateur que l’on ne voit ni n’entend, les livres sont presque absents et les lecteurs scrutent davantage des écrans qu’ils ne tournent les pages d’un livre, ou ils attendent patiemment pour acquérir des facilités informatiques. Cette surprise n’est pas fortuite: la NYPL est à la croisée des chemins avec le développement exponentiel des e-books et des supports associés. Où faut-il investir? Comment augmenter encore l’accessibilité aux textes écrits? Comment faciliter l’accès à l’extraordinaire banque d’images que recèle la NYPL? Comment permettre aux malvoyants, non-voyants et même handicapés d’avoir accès à la culture, à la formation et à l’éducation que représente ce site extraordinaire?

Toutefois, si les responsables s’interrogent sur la fonction, voire la vocation d’une telle institution, financée par la Ville et des fonds privés, ils se montre également attentifs à la mission de cohésion sociale à laquelle participe la NYPL; et plutôt que de réfléchir en termes de protection ou de répression, ils se demandent comment avec d’autres relever le défi des sans-logis qui tentent de dormir ou de se réchauffer dans leurs murs.

Les passages dans l’une ou l’autre annexe élargissent encore le propos social, voire politique, et soulève non seulement la question de l’accès de chacun aux connaissances et à la culture, mais également celles de l’éducation et du contenu des ouvrages présentant l’histoire du pays, à l’instar de ce manuel texan évoquant la traite négrière comme un phénomène d’immigration économique!

Au cœur de la NYPL se croise un public de tout âge et de toute condition sociale, dont la richesse ethnique est un portrait des Etats-Unis. Wiseman en rend parfaitement compte par la très belle galerie de visages aussi variés que saisissants qu’il offre de ces milliers d’inconnus qui fréquentent la NYPL, qu’ils soient chercheurs, étudiants, éducateurs, artistes, magasiniers, cadres du lieu, etc.

Si le mot bibliothèque évoque immédiatement des livres, il s’amplifie ici pour déployer l’humain sur le plan de son savoir et de sa culture au travers bien sûr des écrits publiés, mais également via des installations et des performances artistiques, des concerts et des expositions, via de l’accueil parascolaire et des événements de collectes de fonds, des groupes de partage entre lecteurs, des séminaires...

Wiseman aurait certainement pu écourter son film, mais pour introduire dans un monde, la quatrième dimension était nécessaire et il a su en user jusqu’aux dernières images. Alors si Borges avait raison d’imaginer le paradis comme une bibliothèque, lorsque celle-ci n’est plus un temple du savoir réservé à quelques élus, mais un lieu particulier - pilier de la démocratie selon Toni Morrison - qui distille un sentiment d’humanité comme à la NYPL, peut-être que l’on s’en rapproche.

Prix FIPRESCI à la Mostra de Venise

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16