Almost There

Par une image stylisée et glaciale, des horizons barrés, une géométrisation de l'espace urbain, le documentaire de la réalisatrice suisse Jacqueline Zünd capte le désir de renouvellement existentiel de trois hommes isolés et renfermés sur eux-mêmes. Cette solitude, qu'une crainte de la souffrance et du rejet a engendrée, s'exprime par une absence de présence humaine, de liens et de dialogues - la parole des protagonistes est médiatisée par une voix off venant renforcer l'idée de scission entre eux et le monde. Les rares interactions se manifestent dans des relations asymétriques: Steve, drag-queen lors de one-man-show, propose un humour graveleux à un public fantomatique dans un décor vétuste et désolé; Robert traverse le désert californien en camping-car et partage au téléphone son périple, sans que rien ne témoigne de l'existence d'un interlocuteur à l'autre bout du fil; enfin Yamada, un retraité de Tokyo, prend des cours pour faire la lecture à de jeunes élèves. Dans la mise en scène de ces cours, l'enseignante est au centre, les futurs lecteurs en demi-cercle, dos à la caméra.

Leur épanouissement individuel, résultat d'un cheminement propre à chacun, les conduiront finalement à se montrer disponible pour les autres. On découvrira ainsi la femme de Yamada, restée hors champ avant que celui-ci ne s'accomplisse dans la lecture de contes pour enfants.

La beauté du film ne réside pas seulement dans le soin apporté à la composition du cadre, mais aussi dans la réflexion qu’il offre quant à cette possibilité de renouer avec la vie, en osant, malgré les souffrances que cela peut entraîner, s'ouvrir à l'autre.