Ce qui nous lie

Affiche Ce qui nous lie
Réalisé par Cédric Klapisch
Pays de production France
Année 2017
Durée
Genre Drame, Comédie
Distributeur frenetic
Acteurs Pio Marmai, Ana Girardot, Jean-Marc Roulot, François Civil, María Valverde
Age légal 8 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 769
Bande annonce (Allociné)

Critique

Pour son douzième long métrage Cédric Klapisch quitte le monde et les protagonistes qui ont fait le succès de L’Auberge espagnole (2002) et des Poupées russes (2005). Son dernier opus est une comédie dramatique en même temps qu’une saga familiale sensible qu’il situe en plein cœur des vignobles français. Une jolie réussite.

Jean (Pio Marmaï), la trentaine, a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans, suite à des dissensions avec son père. Après avoir pris l’air et fait un tour du monde - il ira jusqu’en Australie - il apprend la mort imminente de son père et décide de revenir dans la terre de son enfance. Il y retrouve sa sœur Juliette (Ana Girardot), 27 ans, et son frère Jérémie (François Civil), 24 ans, qui s’occupent tous deux du domaine familial de Chassagne-Montrachet. En l’espace d’un an et au rythme des saisons les trois jeunes adultes vont devoir réinventer un mode de vie commun et instaurer entre eux une nouvelle forme de fraternité.

Le cinéaste traite ici de plusieurs sujets différents et Ce qui nous lie oscille parfois entre fiction et documentaire. Cédric Klapisch a installé son décor sur la route des grands crus de Bourgogne, privilégiant les paysages de vignobles à perte de vue, les belles grappes de raisin et les dégustations en cave. On va suivre la fabrication du vin pendant une année, aux côtés de Juliette et de son frère Jérémie qui exploitent le domaine paternel avec l’aide de quelques voisins. Bien accueilli par sa sœur, Jean ne l’est pas pour autant par son frère qui lui reproche d’avoir abandonné la propriété familiale pour aller faire le même travail ailleurs. Ce qui nous lie sera le récit d’une année de vie commune des trois jeunes vignerons, qui vont mûrir en même temps que les vignes de leur domaine et qui devront se serrer les coudes.

Une histoire simple peut-être, parfois douce amère, mais un récit subtil, parfaitement maîtrisé, plein de chaleur humaine. Les trois personnages, parfaitement interprétés, sont porteurs d’une grande sensibilité et d’un bel élan. Et cela alors même que le cinéaste aborde des sujets difficiles : le deuil et l’absence des parents, la solidarité nécessaire qu’il faut reconstruire, l’engagement professionnel indispensable. Sans oublier les problèmes de couple (Jean et Jérémie ont tous deux femmes et enfants) et la question complexe de l’héritage.

Pour exprimer tout cela Klapisch a choisi de donner une petite priorité au personnage de Jean, lui confiant quelques apartés et commentaires en voix off. Les passages du présent au passé sont finement amenés, sans rupture aucune, ponctuant ici ou là une ou deux scènes. Une autre qualité de Ce qui nous lie tient dans le ton adopté et la distance choisie: le cinéaste a parfaitement réussi à saisir au passage les petits détails de l’existence de ses personnages, leurs clins d’œil, les répliques amusantes de chacun. Les dialogues sont succincts, les échanges verbaux limités à l’essentiel. Et au-delà de cette histoire familiale Klapisch renvoie aussi plusieurs questions en direction du spectateur, lui tendant comme un miroir et en l’amenant ainsi à se plonger dans la vie et les problèmes du milieu viticole, sorte de métaphore de l’existence même.

Tous les comédiens sont porteurs d’une forme de complicité évidente faite de beaucoup de subtilité et d’émotion retenue. Voilà un film plein d’humanisme, au sens large du terme, et dont la discrétion et la maîtrise narrative font la force. Note

Antoine Rochat