Initiés (Les)

Affiche Initiés (Les)
Réalisé par John Trengove
Titre original Inxeba; The Wound
Pays de production Afrique du Sud, Allemagne, France
Année 2017
Durée
Musique Joao Orecchia
Genre Drame
Distributeur xnix
Acteurs Nakhane Touré, Bongile Mantsai, Niza Jay Ncoyini, Thobani Mseleni, Gamelihle Bovana
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 767
Bande annonce (Allociné)

Critique

John Trengove, Blanc d’Afrique du Sud et Blanc, consacre son premier film à une tradition ancestrale de son pays, l’ukwaluka, pratique secrète, sorte de circoncision initiatique que subissent les Noirs adolescents afin de devenir des hommes. Obéissant à des  instructeurs, les jeunes vivent dans les bois pendant trois semaines, privés de tout mais soumis à différents rituels, le temps que leurplaie se cicatrise. 

Régulièrement, Xolani (Nakhane Touré) quitte la ville pour se joindre aux instructeurs de l’ukwaluka. Cette-fois, il a la charge de Kwanda (Nisa Jay Nconyini), venu de la ville se soumettre à la cérémonie. Ce dernier, habitué au mode de vie occidental, repère vite le mal-être que ressent Xolani et comprend que son amitié avec Viga (BongileMantsai) n’est pas ordinaire.

Le titre original de ce film courageux, The Wound (la blessure) est plus significatif. Outre la souffrance physique de la circoncision, il évoque la blessure morale d’une masculinité différente. Dans une région comme celles des montagnes d’Afrique du Sud, la tradition est solide et la virilité qui assure une descendance est un sujet brûlant.L’homosexualité peut encore y être punie de mort.

John Trengove documente avec délicatesse le processus d’initiation et les difficultés associées. C’est une première qualité. Mais surtout, il expose la contradiction entre un retour périodique à un culte archaïque et l’éveil au modernisme d’une jeunesse équipée de téléphones portables, entre le sens communautaire profond de la règle et des aspirations individuelles comme celles qu’entraîne l’homosexualité de Xolani.

«Des groupes d’hommes s’organisent à l’écart de la société et de leur mode de vie quotidien, note le réalisateur. J’ai voulu montrer l’intensité des rapports affectifs et physiques qui s’y développent et à quel point réprimer ses sentiments profonds peut avoir des conséquences malsaines ou violentes. Etant moi-même étranger à ces coutumes, il m’a semblé intéressant d’aborder cette histoire par le point de vue de personnages eux aussi marginaux, qui peinent à se confronter aux rites immuables de leurs communautés. »

A travers une mise en scène dépouillée, à laquelle répond la solitude du paysage  – tantôt celui de la forêt, tantôt celui de l’immense panorama vu de la montagne – Trengove laisse sourdre le secret de Xolani. Ilrejette la démonstration au profit de la suggestion par le biais d’image en contre-jour et de plans rapprochés. Son propos, discret, intime quand il s’agit des protagonistes, devient plus ample pour faire état des divisions qui traversent la société de l’Afrique du Sud – parmi d’autres. Les heurts  entre générations, entre villes et campagnes, entre obscurantisme séculaire et mercantilisme contemporain restent des questions douloureuses, toujours difficiles à apaiser.

Serge Molla