United Kingdom (A)

Affiche United Kingdom (A)
Réalisé par Amma Asante
Titre original United Kingdom (A)
Pays de production France, Grande-Bretagne
Année 2016
Durée
Musique Patrick Doyle
Genre Biopic, Drame
Distributeur inconnu
Acteurs Tom Felton, Jack Davenport, Rosamund Pike, David Oyelowo, Laura Carmichael
N° cinéfeuilles 765
Bande annonce (Allociné)

Critique

Cela aurait pu n’être qu’une romance sans lendemain et c’est devenu un étonnant récit socio-politique sur la force de l’amour. Ou lorsqu’un couple mixte fait vaciller l’Empire, tout en offrant à un peuple démocratie et indépendance.

Tout commence en  juin 1947, par la rencontre inopinée entre Seretse Khama – David Oyelowo qui interprétait Martin Luther King dans Selma –, héritier du trône du Bechuanaland et étudiant en droit à Londres, et Ruth Williams (Rosamund Pike que l’on vit dans Gone Girl), clerc chez Lloyd’s. Coup de foudre et l’année suivante, mariage, récusé par les deux familles. Ni les mentalités ni les politiques ne sont prêtes à bénir une telle union au moment où l’Inde vient de se séparer du Royaume-Uni et où le Dr Malan établit pour quarante ans l’apartheid en Afrique du Sud. Le couple revient  pourtant au pays, à Sewore, mais si Seretse est destiné à y  devenir le roi de son peuple, le pourra-t-il  avec une femme blanche destinée à devenir la « mère de la nation » ? L’oncle qui a élevé Seretse n’y consent pas, l’assemblée populaire, Kgotla, devra en décider.

Le couple, qui s’est uni envers et contre tout, doit donc faire face dès le premier jour à tous les préjugés possibles et éviter tous les pièges qui se dressent devant lui. Et si les premiers écueils semblent surmontés, c’est sans compter les manigances politiques du Royaume-Uni qui ne veut en aucune manière voir ses relations avec l’Afrique du Sud se détériorer. On craint en effet  à Londres que l'allié sud-africain blanc ne prenne des mesures plus directes contre le Bechuanaland, par des sanctions économiques ou par une incursion militaire. Le gouvernement britannique envoie donc un parlementaire sur place pour enquêter sur l’aptitude de Seretse pour la chefferie. Et bien que l'enquête indique qu'il est en fait éminemment apte à diriger ce protectorat, le gouvernement ordonne en raison de « son mariage malheureux » que le rapport soit écarté pendant trente ans et que Khama et son épouse soient exilés du Bechuanaland, ce qu’ils sont en 1951. Quant à la parole donnée par un certain Churchill de mettre fin à ce bannissement, elle ne servit qu’à permettre son élection.

En 1956, Seretse Khama et Ruth furent autorisés à retourner au Bechuanaland en tant que simples particuliers, après avoir renoncé au trône tribal. En 1961, Seretse revient toutefois sur la scène politique, fonde le parti démocratique du Bechuanaland et persiste à œuvrer pour l'indépendance de son pays devenu le Botswana, qui l’obtient en 1966. Khama en devient le premier président et confirme pendant son mandat les principes de la démocratie libérale et d'antiracisme dans cette région victime de guerres civiles, de haine raciale et de corruption, tout en favorisant le développement économique de son pays au riche sous-sol.
Pour raconter cette histoire qui le méritait, Amma Asante a pris hélas quelques libertés à partir du livre Susan Williams, Colour Bar, pour mieux souligner la romance et la conjuguer avec le politique. Il n’empêche que cette réalisation classique et soignée rend bien  le climat de cette époque où l’homme  blanc se croyait supérieur et où son racisme se doublait de machisme. Au-delà des décisions, les moindres gestes, les paroles les plus simples attestent de l’aveuglement en matière d’égalité.

Démocratie, égalité raciale,  dignité, etc., sont ici portés haut par un couple dont les liens solides annoncent qu’il est des combats qu’il vaut la peine de mener tant ils déploient la vie, individuelle et communautaire, pour autant que l’on soit d’accord d’en payer le prix qui peut être très élevé.

Serge Molla