Fuocoammare, par-delà Lampedusa

Affiche Fuocoammare, par-delà Lampedusa
Réalisé par Gianfranco Rosi
Pays de production Italie, France
Année 2016
Durée
Genre Documentaire
Distributeur xnix
Acteurs Jennifer Peedom
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 753
Bande annonce (Allociné)

Critique

Avec finesse et sans faire la morale, ce film met en exergue un lieu, Lampedusa, devenu synonyme d’immigration, et devenu aujourd’hui l’une des portes d’entrée de milliers de réfugiés dans une Europe oscillant entre accueil et rejet.  Voir ou ne pas voir, prendre conscience ou non, cloisonner ou non la réalité, les dilemmes abondent et rejoignent chacun, habitant ou non de l’île.

Tout se passe sur la petite île italienne de Lampedusa, d’une superficie de 20 km2 et de moins de 6'000 habitants, devenue tristement célèbre en raison de la crise migratoire. La situation géographique de l’île en a fait le lieu de débarquement privilégié pour les migrants clandestins qui tentent de gagner l’Europe depuis les côtes africaines, particulièrement tunisiennes et libyennes. Ce  phénomène, qui a débuté en 1992, s’est considérablement amplifié. Lampedusa voit désormais arriver de plus en plus de réfugiés originaires d’Afrique et du Moyen-Orient, ces afflux massifs se combinant avec des drames humanitaires.

Ce sont les voix des protagonistes qui nous font vivre le quotidien sur leur île : ni voix off ni explication en surplomb. On fait ainsi connaissance avec Samuele, 12 ans, fils de pêcheur qui se balade sur son île, confectionne une fronde, conjugue l’amitié. Sur un bateau de l’armée qui croise en mer, le radio de bord capte un appel appelant au secours : une embarcation incertaine est en train de sombrer au large et une évacuation urgente s’organise. Dans son studio,  un animateur radio rassure, encourage, offre une présence et une solide assistance sociale. A son cabinet, le médecin de l’île, lui  qui côtoie trop souvent l’horreur, s’émerveille de la vie à venir en examinant une femme (réfugiée ?) enceinte avant de retrouver, sur le pont d’un bateau, la détresse indicible à laquelle il ne s’habituera jamais . Une femme seule embrasse chaque matin le portrait d’un fils disparu... Et tous ces personnages, sans parler directement du drame humain qui se noue sur leur île, attestent de la manière dont cela les affecte peu ou prou.

Car le drame est là, bien présent lui aussi, avec ces images d’interventions en mer, de sauveteurs gantés,  engoncés dans leur combinaisons. Ces hommes, presque  sans visage ni parole, prennent soin, respectent celles et ceux qu’ils extraient des embarcations de fortune, vifs ou morts, tout en donnant l’impression de faire face à des aliens dont ils feraient tout pour se protéger.

Le médecin décèle chez Samuel un problème de vision et diagnostique une paresse de l’œil gauche. Pour quelque temps,  l’enfant devra donc le faire travailler  en priorité, s’entraîner à regarder avec cet œil. Le message est clair, tout comme lorsque le grand-père de Samuele indique à son petit-fils qu’il lui faut apprendre à marcher sur un ponton flottant pour s’habituer à la houle et à ses effets. Faire face à la réalité, ne pas en avoir peur, ne pas en craindre les effets : c’est clair, mais se reçoit bien, car le cinéaste montre sans faire la leçon ni culpabiliser. Bien sûr, la mort ne cesse de rôder, mais elle n’est pas que le fait des réfugiés, elle appartient aussi au monde de la mer, des tempêtes fatales aux pécheurs, de l’histoire inscrite dans les mémoires. D’ailleurs le titre de ce documentaire fait écho à la Seconde guerre mondiale  lorsque l’environnement marin devenait rouge alors que les tirs de canon rivalisaient dans la nuit noire.

« Vous pouvez me repousser, non pas ramener,/ le départ n’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples. » Erri De Luca exprime une réalité que chaque habitant de Lampedusa connaît bien et que montre avec force Gianfranco Rosi, mais qui depuis longtemps a dépassé les frontières de cette île, comme l’actualité quotidienne ne cesse de le rappeler.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 15
Geneviève Praplan 18