Much Loved

Affiche Much Loved
Réalisé par Nabil Ayouch
Pays de production Maroc, France
Année 2015
Durée
Musique Mike Kourtzer
Genre Drame
Distributeur Outside the Box
Acteurs Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane, Sara Elhamdi Elalaoui, Abdellah Didane
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 742
Bande annonce (Allociné)

Critique

Présenté à Cannes en 2015 dans la sélection «La Quinzaine des réalisateurs», Much Loved s’est depuis fait connaître plus largement par la polémique qui a entouré son actrice principale, Loubna Abidar. Les agressions dont elle a fait l’objet et son départ forcé du Maroc ne sont qu’un effet supplémentaire de ce que Nabil Ayouch dénonce admirablement dans son film.

Attablées autour d’un repas, Noha, Randa et Soukaina (respectivement Loubna Abidar, Asmaa Lazrak et Halima Karaouane, toutes trois absolument magnifiques) se préparent pour la soirée à venir et discutent sans détour des précédentes. Elles sont prostituées de semi-luxe à Marrakech, où règnent les riches Saoudiens et les touristes européens. De nuit en nuit, elles sont conduites par leur fidèle chauffeur Saïd (magnifique figure de gardien silencieux et respectueux, incarné par Abdellah Didane) au travers d’une ville qui par ailleurs les ignore et les rejette. Se heurtant aux désirs et aux violences d’une société menée par les hommes, elles se battent pour conserver leur indépendance et leur honneur.

Rarement regard d’homme aura été plus sensible et adéquat sur les femmes qu’il contemple. Nabil Ayouch a en effet eu l’intelligence de s’effacer devant les héroïnes de son film, adoptant une forme discrète mais puissante qui les laisse maîtresses de l’image. Ce sont elles qui projettent leurs corps, leurs visages, leurs voix vers ceux qui seront amenés à les voir. Elles sont là, elles existent devant nous sans aide extérieure, dans toute la force de leur désir, de vivre, d’aimer, d’exister. Parce qu’il ne faut pas s’y tromper ; quand bien même elles évoluent dans une société subordonnée aux envies des hommes, elles n’ont besoin de personne pour défendre leur dignité. Toutefois, le film évite habilement le piège du manichéisme, qui ferait de chaque figure masculine un tortionnaire unidimensionnel et adepte du système. Les hommes reflètent à leur manière la société marocaine, dans leur comportement dégradant vis-à-vis de ces femmes – qui va parfois jusqu’à l’abject– mais également dans les contraintes qu’elle leur impose par ailleurs. Personne n’est libre dans Much Loved; certains sont moins prisonniers sans doute, mais tous souffrent.

Se reconstruit alors au dedans un monde hors des normes, loin des regards : celui de Noah, Randa et Soukaina, accompagnées de Saïd et que traversent d’autres marginaux (gays, travestis, enfant prostitués). Là aussi les disputes surgissent parfois, dues à l’enfermement et à la dureté de la vie. Cependant, ce sont l’amour et le respect qui dominent et ce qui paraît juste normal comme rapport à l’autre devient ici rare et secret. Au-dehors, rien de tout cela n’est possible, pas même une fois quittées les hautes sphères où les filles exercent leur métier. La vie « banale » leur est refusée, visible dans toute sa pauvreté seulement au travers des vitres du taxi ou dans l’anonymat de la nuit. Rejetées de partout, les femmes de Much Loved s’appuient les unes les autres pour survivre, vivre et essayer de se trouver. Si la situation dépeinte par le film et ce qu’elle révèle du Maroc (où la prostitution est ignorée officiellement) est un appel à réfléchir et réagir, si aucune fin heureuse n’existe à cette réalité pour l’instant, l’image de ces femmes, la tendresse immense qui les lie, leur dignité inébranlable restent longtemps imprimées dans l’esprit comme un message de vie lancé vers l’horizon.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 20
Georges Blanc 14