An - Les délices de Tokyo

Affiche An - Les délices de Tokyo
Réalisé par Naomi Kawase
Pays de production France, Allemagne, Japon
Année 2015
Durée
Musique David Hadjadj
Genre Drame, Comédie
Distributeur filmcoopi
Acteurs Kirin Kiki, Kyara Uchida, Masatoshi Nagase, Miyoko Asada, Etsuko Ichihara
Age légal 6 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 737
Bande annonce (Allociné)

Critique

Beau film sur l’étroite dépendance qui lie l’homme à la nature, An parle aussi de l’exclusion.

La nature, les saisons qui la modulent, l’eau et le vent…. Ce sont des thèmes toujours présents dans le travail de la Japonaise Naomi Kawase. Sans eux, comment les hommes pourraient-ils vivre? Après, notamment, La forêt de Mogari (2007), et Still the water (2014), ce nouveau long métrage pose un regard infiniment délicat sur l’ostracisme ordinaire.

Sentaro (MasatoshiNagase) est le gérant bourru d’une petite boutique de beignet, les dorayakis. Parmi ses clientes collégiennes, Wakana (KyaraUchida) est la plus douce, la plus silencieuse, la plus attentive. Un jour arrive une dame âgée (Kirin Kiki). Elle goûte à la pâte de haricots confits, le an, dont sont fourrés les beignets. Non, ce n’est pas ça, on peut faire beaucoup mieux. Et elle insiste pour se faire engager à la cuisine, malgré ses 76 ans. Cette proposition inattendue change le quotidien de Sentaro et de sa jeune amie.

Naomi Kawase profite du roman de Tetsuya Akikawaqu’elle adapte pour poser le doigt sur la souffrance des personnes rejetées, quelle qu’en soit la raison. La douceur de son propos est sans égal, si simple, si étroitement lié à la vie dans chacun des gestes accomplis, dans chaque point de vue. Les malheurs, les difficultés, les inquiétudes des personnages s’installent profondément dans le récit et pourtant, les séquences ne tombent  jamais dans la tragédie… Tout semble passer par la saveur incomparable du an.

C’est cette délicatesse qui amène tout lentement au drame réel de chacun. Les plans laissent entrer de toute part le paysage environnant. La petite boutique est entourée d’arbres. Kawasene recherche pas l’effet; elle ne s’intéresse pas à l’esthétisme,mais aux manifestations du vent dans les feuilles, à la couleur des saisons, à la présence des oiseaux, à la respiration de la terre, tout ce qui compose la nature et la vie.

Peu à peu, les sentiments douloureux se révèlent, les épreuves actuelles ou passées se dessinent, l’exclusion dont sont victimes pour des raisons différentes les trois personnages semblent se purifier dans la confection des beignets. Car la meilleure façon de cuisiner les haricots confits, c’est d’écouter le vent qui les a envoyés, de savoir les accueillir, de les laisser cuire exactement comme ils le réclament…De la même manière, les protagonistes de Kawase apprennent à s’accueillir, à s’écouter et à s’aimer.

A côté de cette atmosphère, ce qu’a vécu la vieille dame révèleun pan oublié de l’histoire japonaise. La réalisatrice s’avoue honteuse de ne l’avoir pas connu plus tôt. Mais, dit-elle, quand on dénonce un scandale du passé, on risque de juger trop hâtivement. «Je souhaitais justement, avec An, le faire plus posément, afin d’éviter que les querelles du passé ne se poursuivent dans le présent. C’est une façon de trouver un chemin vers la paix. Il faut être positif pour construire l’avenir.

Geneviève Praplan


An est une pâte confite de haricots rouges qui fourre les dorayakis, crêpes japonaises qui ressemblent à des pancakes. Sentaro (Masatoshi Nagaswe), un quadragénaire dépressif au passé sombre, tient une boutique dans laquelle il vent cette pâtisserie locale. Une jeune fille, Wakana (Kyara Uchida), triste et pauvre, se rend chaque jour récupérer les invendus. Un jour, Tokue (Kirin Kidi, actrice célèbre au Japon), une septuagénaire un peu bizarre se présente et propose ses services au patron. Non sans hésitations, Sentaro finit par accepter son aide. Tokue lui enseigne l'art de faire sa recette lui-même, sans avoir recours à des produits industriels. Le succès est immédiat et les clients se pressent au portillon déguster ses douceurs, jusqu'au jour où ils apprennent que Tokue est une ancienne lépreuse...

Ce film est magnifique. Le respect et la transmission des valeurs entre les générations sont le fil conducteur. Un contact privilégié s'établit entre ces trois protagonistes, tous meurtris par la vie. Trois solitudes, autant de destins écorchés qui se rencontrent et qui finissent par s'enrichir les uns et les autres. Ce long métrage est également un hymne à la tolérance et à l'acceptation de la différence. Le spectateur saisit toute la souffrance provoquée par la terrible maladie et apprend que les lépreux étaient mis en quarantaine -soit complètement exclus- jusqu'en 1996 au Japon.

Les cerisiers en fleur et la nature sont des acteurs importants: il suffit d'écouter le message du vent et de regarder le monde qui nous entoure... alors une lueur d'espoir naîtra dans n'importe quel cœur brisé!

Nadia Roch

Nadia Roch

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18
Serge Molla 18
Nadia Roch 18
Georges Blanc 16
Anne-Béatrice Schwab 18
Philippe Thonney 18