Mille et une nuits (Les) - Vol. 1 : L’Inquiet

Affiche Mille et une nuits  (Les) - Vol. 1 : L’Inquiet
Réalisé par Miguel Gomes
Pays de production Portugal/France/Allemagne/Suiss
Année 2015
Durée
Genre Conte documentaire
Distributeur Outside the Box
Acteurs Adriano Luz, Miguel Gomes, CarlotoCotta, Rogério Samora
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 730

Critique

Après Tabou en 2012, Miguel Gomes propose un nouveau poème visuel, qui mêle l’histoire récente du Portugal aux récits millénaires des Mille et une nuits.

Venu filmer, dans une même région du Portugal, la lente fermeture d’un chantier naval ainsi que l’invasion des cultures par des guêpes africaines, un réalisateur (Miguel Gomes) s’interroge sur son métier avant de fuir en courant son équipe. Les trois récits mêlés ne sont que le prologue d’une œuvre qui ne cesse de se déployer, à l’instar des Mille et une nuits auxquelles son titre fait référence. Ainsi, le réalisateur (une fois rattrapé par son équipe), puis Shéhérazade elle-même, nous entraînent dans une suite de contes à travers le Portugal actuel.

C’est là que se joue véritablement le film, dans l’effacement des frontières habituelles entre réalité et fiction, documentaire et conte. Dans un univers où les incendies de prairie deviennent vengeance amoureuse et où les coqs parlent, ces distinctions explosent pour laisser place à une sorte de poème de l’ordinaire. Si le merveilleux est bien présent, c’est en effet au coeur du quotidien, de la situation actuelle du pays qu’il naît. L’étrangeté qui en découle, atteignant parfois à l’onirisme, se retrouve également dans la forme du film, où le rapport classique entre son et image se voit bouleversé.

Durant toute la première partie, le réalisateur fait s’entrecroiser voix – celle des ouvriers, des agriculteurs, la sienne –  et fulgurances visuelles – les lourds cargos qui quittent le port, les nids de guêpes enflammés dans la nuit –  sans que pour autant elles ne correspondent toujours.Ainsi, dès le départ, le spectateur est encouragé à s’abandonner, au flot des paroles comme à celui des images. Les Mille et une nuits ne bascule toutefois pas dans la simple démonstration technique ou esthétique. Au contraire, la dénonciation socio-politique est bien là, matière première ou sens caché du conte, et ressurgit avec une précision douloureuse aux détours du récit. L’exemple peut-être le plus marquant intervient lors du troisième – et dernier – chapitre, où des chômeurs au bord de la misère évoquent face caméra leurs difficultés quotidiennes, au milieu d’un décor bigarré et hors du monde. Le temps s’arrête, la réalité s’impose.

Avec ce premier volume des Mille et une nuits, Gomes pose les bases de ce qui promet d’être non seulement un beau poème sur l’art mais surtout un témoignage important et nécessaire sur une réalité de plus en plus répandue, qu’il s’agit de ne plus ignorer.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 15
Geneviève Praplan 9
Nadia Roch 10
Anne-Béatrice Schwab 15