Le passé

Affiche Le passé
Réalisé par Asghar Farhadi
Pays de production France, Iran
Année 2013
Durée
Musique Evgueni Galperine, Youli Galperine
Genre Drame
Distributeur frenetic
Acteurs Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa, Pauline Burlet, Elyes Aguis
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 681
Bande annonce (Allociné)

Critique

Prix du Jury oecuménique  au Festival de Cannes 2013

Prix d'interprétation féminine à Bérénice Bejo au Festival de Cannes 2013

En quelques films, le cinéaste Asghar Farhadi est devenu l’un des réalisateurs les plus intéressants de ces dernières années. Le passé s’inscrit dans la droite ligne d’Une séparation (Ours d’Or, Berlin 2011): même plongée dans un monde familial menacé de rupture, même capacité à en saisir les plus petits détails, même volonté de cerner au plus près la vérité. Un film riche, subtil, passionnant.

Le contexte est celui d’une triste fin de couple. Après quatre ans de séparation, Ahmad (Ali Mosaffa) arrive à Paris, venant de Téhéran, pour divorcer de Marie (Bérénice Bejo), Française avec laquelle il a vécu à Sevran des années auparavant. Lors de son bref séjour, Ahmad constate que les relations entre Marie et sa fille de seize ans Lucie (Pauline Burlet), issue d’un autre mariage, sont conflictuelles. Il découvre aussi que Marie vit avec Samir (Tahar Rahim), un homme marié, mais dont la femme est aujourd’hui plongée dans un coma profond à la suite à une tentative de suicide.

On aurait pu craindre qu’Asghar Farhadi se laisse influencer par un tournage en France, par la langue ou par le contexte parisien du scénario. Il n’en est heureusement rien: une bonne partie des acteurs sont iraniens. L’objectif du cinéaste se situe d’ailleurs bien au-delà des lieux, avec une composante tout universelle: il s’agit de cerner, en s’en approchant le plus possible, la vérité liée aux événements, aux gestes, aux paroles. Les relations complexes des protagonistes entre eux, Ahmad va peu à peu les découvrir: il commence par écouter chacun, il use parfois de la provocation, il essaie de débrouiller les problèmes, d’identifier les mensonges, les jalousies, les non-dits, sans toujours y parvenir. Le regard d’Ahmad, c’est aussi celui du cinéaste qui scrute autrui, sans porter de jugement sur personne. Chacun connaît la souffrance, dit-il, et chacun cherche à adopter le meilleur comportement possible, sans toujours réussir.

On a parfois comparé Asghar Farhadi à Kieslowski - Le Décalogue (1988), Trois couleurs Bleu, Blanc, Rouge (1993-1994) –, et c’est justifié. Dans À propos d'Elly (2009), de jeunes Iraniens confrontés à la disparition de l’une des leurs ne pouvaient pas éviter de se poser la question de leurs propres responsabilités. Dans Une séparation, la recherche sinueuse de la vérité s’accompagne d’une discrète mais constante réflexion d’ordre moral: qui détient la vérité? s’agit-il d’un récit objectif? quelle est la part de responsabilité de chacun dans un événement? et celle de la subjectivité dans une descriptio ? La vérité, souvent, s’effiloche ou se dérobe.

Dans Le passé, chaque personnage sera ainsi amené à se dévoiler, à douter de lui-même, à revisiter son vécu. On sera séduit par la subtilité de l’intrigue, la qualité des dialogues et celle des silences (la toute première scène à l’aéroport), la subtilité de la tension qui s’installe peu à peu, l’exacte maîtrise des scènes d’affrontement (la scène des cadeaux offerts à deux enfants manipulés par des adultes, ou celle du pardon entre Marie et Lucie, ou encore celle du face-à-face entre Samir et son fils Fouad, cinq ans, sur le quai du métro). Le seul reproche que l’on pourrait faire au cinéaste – mais il est de peu d’importance - est celui d’avoir ménagé, dans la dernière partie du récit, une série de rebondissements qui apparaissent comme autant de petits coups de théâtre n’ajoutant rien de très essentiel au propos. Récit complexe qui s’en va revisiter les strates du passé, drame intime de forte intensité, Le passé témoigne de beaucoup de maîtrise et de rigueur dans la mise en scène. Les acteurs, de leur côté, jouent sur plusieurs registres et sont parfaits – y compris les enfants. Leur présence sur l’écran, même lorsqu’il s’agit de longs plans-séquences, est tout simplement remarquable de sensibilité. Les dernières images, pleines d’émotion, sont accompagnées de deux ou trois notes de piano – les premiers éléments musicaux du film… Le passé, on l’a compris, est l’œuvre d’un grand cinéaste.

 

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 19
Daniel Grivel 18
Serge Molla 20
Geneviève Praplan 15
Philippe Thonney 11
Nadia Roch 19
Anne-Béatrice Schwab 15