Part des anges (La)

Affiche Part des anges (La)
Réalisé par Ken Loach
Pays de production France, Grande-Bretagne, Italie, Belgique
Année 2012
Durée
Musique George Fenton
Genre Comédie dramatique
Distributeur filmcoopi
Acteurs William Ruane, John Henshaw, Paul Brannigan, Gary Maitland, Jasmin Riggins
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 662
Bande annonce (Allociné)

Critique

Sur le fond d’une sélection plutôt sombre, la comédie sociale, spirituelle (et spiritueuse...) de Ken Loach a apporté une goulée de chaleur bienvenue. Le prologue déjà donne le ton: on est dans un tribunal de simple police de Glasgow où défilent de petits délinquants plus souvent bras cassés que malfrats. Parmi eux, Robbie (excellent Paul Brannigan), avec quelques autres jeunes, est condamné à des travaux d’intérêt général. Le groupe se retrouve occupé à repeindre une salle de réunions et à nettoyer des pierres tombales taguées, sous la férule bonhomme de Harry (John Henshaw). Grand amateur de whisky, il prend sur un jour de congé pour emmener ses protégés visiter une distillerie. C’est une révélation pour Robbie, qui se découvre un talent de fin dégustateur, allant jusqu’à pouvoir identifier les purs malts les plus singuliers et attirant l’attention d’un collectionneur averti Thaddeus (Roger Allam). Mais son avenir semble bouché: avec sa petite amie Leonie (Siobhan Reilly), ils ont un bébé, mais le futur beau-père et ses frères, authentiques malfrats propriétaires de plusieurs boîtes de nuit, ne veulent pas d’un tocard dans leur famille.

Comment tirer parti d’un talent hors pair pour se sortir de la «gonfle» et offrir un avenir décent et honnête à sa petite famille? Aidé cahin-caha par ses amis, Robbie va imaginer une arnaque astucieuse autour de la mise aux enchères d’un tonnelet de nectar retrouvé après des décennies d’anonymat...
Ken Loach conte ici une histoire pleine de rebondissements, de suspense, d’humour et de tendresse. La part des anges (ces deux pour cent de l’alcool évaporé pendant le vieillissement de l’eau-de-vie) porte bien son nom, fait du bien et réjouit le cœur.

Daniel Grivel


Bonne nouvelle: Ken Loach (76 ans, 24 films) n’a rien perdu de sa verve et de son sens critique. Son dernier film (Prix du Jury à Cannes) se présente comme une comédie bien enlevée, cocasse, et finalement plus profonde qu’il n’y paraît.
C’est toujours la société britannique qui intéresse Ken Loach, et cela depuis plus de quarante ans. Problèmes de famille ou d’adolescence (Family Life, 1971), réalité d’une Angleterre en proie au chômage (Riff-Raff, 1991; Raining Stones, 1993), enfants défavorisés ou rejetés (Sweet Sixteen, 2002), immigration et travail clandestin (It's a free World, 2007), la liste pourrait être plus longue…

Sa caméra, Ken Loach l’a également emportée au-delà des frontières de son pays. Il a touché à tout, à la crise irlandaise (Hidden Agenda, 1990), à l’influence de la CIA en Amérique centrale (Carla's Song, 1996), à la guerre d’Espagne (Land and Freedom, 1995), au conflit irakien (Route Irish, 2010). Son cinéma est celui de l’urgence, de l’engagement, et le tableau sera souvent noir.
C’est précisément pour changer de ton qu’il a tourné La part des anges: «Après la noirceur de Route Irish, nous avons choisi la légèreté d’une comédie écossaise douce-amère», explique Rebecca O’Brien, la productrice du film. Toujours flanqué de son scénariste attitré Paul Laverty, le cinéaste dit avoir choisi d’explorer l’idée des premiers pas que l’on fait dans la vie active - si on les rate, on risque d’être affecté toute sa vie -, et de décrire les difficultés de ce cheminement sur un mode comique.

La part des angesS s’ouvre, à Glasgow, sur une scène de tribunal où plusieurs jeunes délinquants sont condamnés - leurs délits sont relativement mineurs et ils vont bénéficier d’une certaine mansuétude des juges - à divers travaux d’intérêt général. L’un d’entre eux, Robbie (Paul Brannigan, excellent acteur non professionnel) échappe ainsi à la prison et semble avoir décidé de «s’en sortir». Futur père de famille, il sera efficacement épaulé par sa compagne, mais sa réinsertion sociale sera difficile (un clan adverse ne lui laisse aucun répit). Il fera la rencontre de Harry (John Henshaw), un «éducateur social», grand amateur de whisky à ses heures, et se découvrira, grâce à lui, un véritable talent de dégustateur, bientôt capable d’identifier les cuvées les plus exceptionnelles. Il passera ainsi de caves à whisky en distilleries et mettra au point, avec trois autres laissés-pour-compte de la société (Rhino, Albert et la jeune Mo), une arnaque aux bonnes bouteilles dont on laissera au spectateur le plaisir de déguster détails et déroulement.
La part des anges - c’est ainsi qu’on appelle les 2% d’alcool qui parviennent à s’échapper des tonneaux les plus hermétiques... - porte un titre symbolique: nombre de jeunes Anglais sont actuellement au chômage (plus d’un million), et le cinéaste semble laisser entendre que, s’agissant de se tirer (provisoirement?) d’affaire, la débrouillardise pourrait bien être de mise pour quelques-uns d’entre eux… Cela d’autant plus si le hold-up se fait au détriment de quelques riches concitoyens qui peuvent se payer, aux enchères, un petit fût de whisky à plus d’un million de livres.

La première partie du film pose, de façon sensible, la problématique d’une difficile réinsertion professionnelle. Le film se veut description d’une réalité - elle n’est pas gaie - en même temps que dénonciation sociale. La question est claire: comment faire lorsque ne subsiste aucun espoir? Loach ne donne pas de réponse, montrant simplement la réalité de ces existences mal emmanchées. A demi-mot il laisserait presque entendre que, pour survivre, on pourrait envisager quelques menus accommodements avec ce que l’on appelle la légalité…
La part des anges s’accompagne d’un humour discret, parfois désabusé. Dans la seconde partie, le ton se fait plus enjoué, les situations sont souvent cocasses, par moments hilarantes, ponctuées de répliques inattendues. S’appuyant sur une mise en scène rigoureuse et un scénario solide, Ken Loach décrit finement ses personnages, les accompagne de toute son amitié, ne cache rien de leurs travers, mais ne les abandonne jamais. De la grisaille par moments, mais aussi une bonne pincée de bonheur.

Antoine Rochat

 

Ancien membre

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 16
Daniel Grivel 18
Geneviève Praplan 15
Serge Molla 16
Antoine Rochat 16
Anne-Béatrice Schwab 18