Le Havre

Affiche Le Havre
Réalisé par Aki Kaurismäki
Pays de production Finlande, France, Allemagne
Année 2011
Durée
Genre Drame
Distributeur Pyramide Distribution
Acteurs Jean-Pierre Darroussin, Kati Outinen, André Wilms, Blondin Miguel, Elina Salo
Age légal 7 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le Jury œcuménique - composé de Daniel Grivel, président (Suisse), Gianluca Arnone (Italie), Martin E. Bernal Alonso (Argentine), Christiane Hofmann (France), Françoise Lods (France) et Mikaël Mogren (Suède) - a également décerné une Mention spéciale au film

LE HAVRE:

«Une ode à l’espérance, à la solidarité, à la fraternité: par une réalisation très élaborée, Aki Kaurismäki nous fait entrer dans un monde qu’il transfigure par la magie des couleurs, l’humour des dialogues, l’humanité des personnages – ‘le sermon sur la montagne’ en filigrane.»





Au cœur d’une sélection à dominante sombre, le conte de fées du réalisateur déjà lauréat du Prix œcuménique pour L’HOMME SANS PASSE est un havre de fraîcheur et de poésie. Marcel Marx (!), ancien écrivain, s’est isolé au Havre, où il subvient à ses besoins et à ceux de sa femme Arletty, atteinte d’une maladie incurable, en faisant le cireur de chaussures. Le surgissement d’un petit Congolais, évadé d’un conteneur maritime censé être livré à Londres, va chambouler son existence pépère et le mettra aux prises avec un inspecteur (des finances) qui n’est pas le flic que l’on aurait pu croire... Intemporel (Renault 4L, chapeaux mous des années 60 y côtoient les camps de sans-papiers d’aujourd’hui), citant le Sermon sur la montagne, évoque le jour où les puissants seront baissés, les captifs libérés, les malades guéris... Les dialogues, minimalistes, font penser à ceux de Prévert, les ellipses font bien avancer le récit, l’humour décalé rappelle Tati, on sourit, on est ému sans s’engluer dans le pathos. On serait tenté d’écrire que cet hommage au cinéma classique était le meilleur film français du festival... Un petit bijou à ne pas manquer lors de sa sortie (Filmcoopi l’a acheté).

Note: 18



Daniel Grivel





On connaît les options du cinéaste finlandais Aki Kaurismäki: un cinéma classique fait de rigueur (dans la forme) et d’humour décalé (dans le ton), et toujours porteur de sens. LE HAVRE (Mention du Jury œcuménique, Cannes 2011) en est un nouveau et très agréable exemple.

Marcel (André Wilms), ex-écrivain devenu cireur de chaussures, s’est exilé volontairement au Havre. Il s’appelle en fait Marcel Marx (le bien nommé! ce n’est pas par hasard…) et il mène, dans cette cité portuaire, une vie calme, pas très stimulante il est vrai, aux côtés de sa femme Arletty (Kati Outinen). Quelques verres au bistrot ponctuent chaque journée, jusqu’au jour où des événements importants vont venir troubler son train-train quotidien. Son existence prendra alors une tout autre direction: le destin le met brusquement en présence d’un enfant immigré d’Afrique noire, Idrissa (Blondin Miguel), tout droit débarqué clandestinement d’un conteneur à destination de Londres. Et au même moment Arletty tombe gravement malade.

Marcel devra d’abord combattre le mur froid de l’indifférence humaine, mais il le fera avec un optimisme soulevant les montagnes. Avec l’aide aussi - efficace et têtue - des habitants de son quartier, une communauté fraternelle qui viendra à bout de bien des difficultés. La traque du jeune homme par la police deviendra le fil conducteur du récit. Marcel devra affronter la mécanique stupide et aveugle d’un Etat de droit symbolisé par le flic Monet (Jean-Pierre Darroussin), qui, ô surprise… mais on ne vous racontera pas la suite.

Le dernier film du cinéaste finlandais Aki Kaurismäki pourrait, par son sujet, renvoyer à WELCOME (2008), autre réflexion sur le problème des réfugiés et sur l’immigration clandestine. Mais autant le film de Philippe Lioret était profondément ancré dans la réalité, autant celui du cinéaste finlandais apparaît comme presque soucieux d’en dissimuler la présence, comme - mis à part un ou deux décors urbains et quelques images des quartiers du Havre - détaché du réel. A l’instar des autres films du cinéaste, LE HAVRE surprend par un ton particulier, légèrement décalé, qui en fait son charme, mais n’ôte rien de sa force. Pas de grands discours, pas d’effets cinématographiques: on pourrait parler d’un cinéma minimaliste (mais efficace!) Les dialogues sont concis, les répliques souvent en porte-à-faux ou inattendues, la langue se veut impeccable, les ellipses sont fréquentes, l’humour et la cocasserie jamais très loin. Et s’il y a quelques séquences tirées de bandes d’actualité (images tournées dans l’agitation des camps des sans-papiers), la priorité reste donnée aux plans fixes, aux décors fermés (appartements, bistrots), aux tête-à-tête.

Tout cela confère au film quelque chose d’unique et de très personnel. Et l’interprétation n’est pas en reste: à côté d’André Wilms et de Jean-Pierre Darroussin (tous deux excellents dans leur retenue), d’autres personnages (clin d’œil au cinéma français?) interviennent dans le récit: on croise Pierre Etaix, dans le rôle d’un toubib salvateur, et Jean-Pierre Léaud, en vilain mouchard. Sans oublier une belle brochette d’acteurs venus de plusieurs continents et qui donnent à ce film une coloration et une signification tout universelles.

LE HAVRE se présente comme une narration surprenante, classique et originale à la fois, et porteuse (sans aucun prêchi-prêcha) d’un message humaniste et optimiste, chose assez rare au cinéma.

Note: 16



Antoine Rochat

Ancien membre