Disparition de Giulia (La)

Affiche Disparition de Giulia (La)
Réalisé par Christoph Schaub
Pays de production Suisse
Année 2009
Durée
Musique Balz Bachmann
Genre Comédie
Distributeur colombus
Acteurs Bruno Ganz, Corinna Harfouch, Stefan Kurt, André Jung, Sunnyi Melles
Age légal 7 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 609

Critique

Présenté lors du dernier Festival de Locarno et Prix du public, le film du réalisateur suisse Christoph Schaub est une réussite. Tiré d’un roman de Martin Suter, LA DISPARITION DE GIULIA est une comédie douce-amère sur le temps qui passe, sur le vieillissement, et sur les relations intergénérationnelles. Un film riche, drôle et plein d’émotion.

«Nous, les vieux, nous sommes invisibles», constate Lili, passagère désabusée d’un tram zurichois, en s’asseyant à côté de Giulia qui, elle aussi, se rend dans le centre-ville. L’âge rend invisible: voilà le thème central de LA DISPARITION DE GIULIA.

Giulia (Corinna Harfouch) s’en va fêter ses 50 ans, apparemment sans grand enthousiasme. Le tram, en cette fin d’après-midi, est bondé de gens qui se bousculent. Elle croise des regards, elle observe les passagers qui, eux, semblent l’ignorer. Troublée par ce sentiment de ne pas être reconnue, de ne pas exister, elle change d’idée: tant pis pour la fête prévue (ses amis l’attendront au restaurant), elle descend du tram, flâne dans les rues, entre dans une lunetterie, y rencontre un étranger (Bruno Ganz) - charmeur et aimablement mythomane - avec lequel elle préférera passer une bonne partie de la soirée…

Ces quelques lignes ne résument qu’une toute petite partie de l’intrigue. On laissera au spectateur le plaisir de découvrir la tournure inattendue de la soirée de Giulia, personnage qui est le fil rouge d’un scénario très riche, étonnant, et qui suit plusieurs pistes en parallèle. Il y a d’abord celle des amis qui attendent Giulia, tous pomponnés et tirés à quatre épingles, qui s’efforcent de cacher leur âge (la cinquantaine bien passée aussi, ils paniquent un peu devant le vieillissement), qui parlent de leurs petites santés, de leurs régimes, de leur jogging ou de leur tai-chi, de leurs problèmes affectifs. «A cette table personne n’a de problème avec son âge, mais tout le monde parle de sa santé», lâchera Alessia, convive importune et adepte du lifting... Il y a ensuite Fatima, 14 ans, et sa copine Jessica qui rêve d’avoir 18 ans et de faire tout ce qu’elle veut avant de mourir, comme James Dean, à 24 ans. Deux adolescentes en rupture de ban et qui, comme Giulia, visitent les magasins, mais à leur manière… On fera aussi la connaissance de leurs parents, plus ou moins (ir)responsables (joli portrait des années 60!) qui viendront les récupérer en se déchirant. Il y a encore Lili - on l’a croisée dans le tram -: elle rejoint Leonie, assise à une autre table du même restaurant et qui râle sur sa jeunesse perdue. Leonie fête aujourd’hui son quatre-vingtième anniversaire et en profite pour se rebeller contre sa fille, la maison de retraite, les conventions, sabotant cette réunion de parents et d’amis avec une évidente délectation. Il y a encore… beaucoup d’autres personnages.

Trois générations livrent ainsi, de façon originale et différente, leurs impressions liées au temps qui passe, à la jeunesse qui s’en va (avec son pouvoir de séduction), au dynamisme qui fait parfois faux bond. Le film jongle avec ces trois périodes de la vie, tout en laissant entendre que la jeunesse ne se mesure pas nécessairement à l’aune de l’âge (il y a des jeunes déjà fanés et des aînés pleins de vitalité). Transparaît aussi, chez certains en tous cas, une forme de sagesse, de sérénité… Giulia parviendra sans doute à se réconcilier avec elle-même.

Le film de Christoph Schaub - Martin Suter l’avait écrit pour Daniel Schmid (décédé en 2006 à l’orée du tournage) - est un vrai régal. Dans ce film choral remarquablement orchestré, les différentes histoires se développent sur des chemins parallèles, conjuguant de façon harmonieuse et simultanée les mêmes thèmes, les mêmes approches, de façon toute naturelle.

Dans cette réflexion sur les problèmes de l’âge, tout est dit avec beaucoup d’intelligence, de subtilité, dans un discours qui sait ménager intérêt et émotion. Les dialogues - ciselés - sont de qualité, pleins d’esprit, et les séquences - même longues - de discussion au restaurant sont parfaitement maîtrisées. L’intérêt ne faiblit pas, le film ne verse jamais dans la morosité, porté qu’il est par un humour salvateur. Les acteurs - suisses et allemands - sont excellents, parfaitement dirigés, la mise en scène est serrée et efficace. Que demander de plus?

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Georges Blanc 16
Daniel Grivel 18
16
Geneviève Praplan 18
Antoine Rochat 17
Anne-Béatrice Schwab 16