Tetro

Affiche Tetro
Réalisé par Francis Ford Coppola
Pays de production U.S.A., Argentine, Espagne, Italie
Année 2009
Durée
Musique Osvaldo Golijov
Genre Drame
Distributeur Memento Films Distribution
Acteurs Klaus Maria Brandauer, Carmen Maura, Vincent Gallo, Maribel Verdú, Alden Ehrenreich
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 592
Bande annonce (Allociné)

Critique

Cette histoire de famille se passe en Argentine. Un jeune adulte vient retrouver à Buenos Aires son demi-frère qu’il n’a pas revu depuis des années. Rudes retrouvailles avec Angelo, qui se fait aujourd’hui appeler Tetro et qui avait espéré rompre une fois pour toutes avec le passé en fuyant un père castrateur, célèbre chef d’orchestre. Dans cette fiction aux échos autobiographiques, Coppola offre une réalisation solidement mise en scène et magnifiquement interprétée, notamment par Vincent Gallo (Tetro). Mêlant discours familial, création littéraire et théâtrale, et musique, ce film, tourné en noir et blanc pour les scènes du présent et en couleur pour celles évoquant le passé, est d’une force peu commune. Dur, non parce que rien n’est laissé au hasard, mais parce que «c’est dans les familles que les guerres civiles sont les plus sanglantes», dixit le réalisateur. Il révèle ainsi la capacité de l’être humain à s’autodétruire, tout en ouvrant néanmoins quelque porte pour échapper à l’enfermement et surtout à la duplication redoutable du passé.

Serge Molla


Avec cette saga familiale qu’il situe en Argentine, Francis Ford Coppola signe une œuvre personnelle, semi-autobiographique et ambitieuse. Tableau des rivalités au sein d’un clan, ce film - tourné en noir et blanc, en images contrastées - captive le regard, mais une forme de démesure empêche une adhésion totale.

Bennie (Alden Ehrenreich), 18 ans à peine, débarque dans le quartier de La Boca, à Buenos Aires, à la recherche de son frère Angelo (Vincent Gallo). Dix ans plus tôt, ce dernier avait plaqué sa famille et rompu tous les ponts pour partir s’exiler en Argentine. Les retrouvailles des deux frères s’annoncent immédiatement difficiles, malgré les efforts de Miranda (Maribel Verdù), l’amie d’Angelo. Mais Bennie s’incruste et veut comprendre, quitte à rouvrir de vieilles blessures, pourquoi Angelo - qui se fait maintenant appeler Tetro - l’a abandonné, lui et sa famille. Et ce qu’il découvrira sera pour le moins inattendu. TETRO est donc l’histoire d’une longue et douloureuse plongée dans le passé. On découvrira qu’entre les deux frères subsiste l’image très forte d’un père despotique, Carlo (Klaus Maria Brandauer), illustre chef d’orchestre que l’on ne connaîtra qu’à travers les souvenirs - les seules séquences en couleurs du film - qu’en ont gardés les deux fils.

Depuis quelques années, Coppola semble vouloir renouer avec un cinéma plus personnel, plus intime. TETRO peut paraître très loin du PARRAIN (dans sa forme en tout cas), encore que… Le cinéaste s’est en effet toujours intéressé aux clans, aux drames familiaux, et en particulier aux manifestations d’une autorité paternelle abusive.

Coppola a situé l’action de Tetro à Buenos Aires: «J’aime la musique, la nourriture, la culture des Argentins. J’aurais aimé vivre et travailler là-bas…» Il utilise les décors de la ville: La Boca, en tant que berceau culturel du pays, ou le vieux quartier de San Telmo, ou encore le célèbre café Tortoni. Toute l’intrigue baigne d’ailleurs dans un contexte artistique: Tetro écrit des romans et des pièces de théâtre, mais - poète traumatisé - s’ingénie à rendre toute lecture de son œuvre impossible. Bennie essaiera de déchiffrer ses manuscrits, y réussira, s’appropriant finalement le texte d’une pièce de théâtre écrite par son frère. Par ailleurs, une mère était chanteuse d’opéra, et une jeune danseuse, par le passé, avait traversé la vie de Tetro et de son père. Un autre personnage important est celui d’Alone (Carmen Maura), ex-mentor de Tetro, sorte de diva-critique très influente dans le monde littéraire. Toute cette famille, tous ces artistes vivent dans le désordre, la rivalité, le non-dit aussi, la figure centrale du père semblant polariser les ressentiments.

S’appuyant sur un savant dosage musical (partitions symphoniques et musiques typiques d’Argentine), Coppola met remarquablement en scène tous ses personnages. Des personnages qui le lui rendent bien, chacun d’entre eux donnant l’impression de vouloir jouer un rôle, tout au long de son existence, sur la scène sociale ou artistique. Apparaissent et se bousculent ainsi, dans ce film intéressant et foisonnant, les héros d’une famille éclatée qui vivent tous sur des orbites différentes, complexes, dramatiques, mais qui, il faut finalement aussi en prendre acte, ne nous concernent qu’épisodiquement. C’est là la réserve que l’on peut faire sur un film qui - le scénario ne s’y prête peut-être pas - ne sollicite que rarement l’émotion.

Antoine Rochat

Antoine Rochat