The Reader

Affiche The Reader
Réalisé par Stephen Daldry
Pays de production U.S.A., Allemagne
Année 2008
Durée
Musique Alberto Iglesias, Nico Muhly
Genre Drame
Distributeur SND
Acteurs Bruno Ganz, Ralph Fiennes, Kate Winslet, Lena Olin, David Kross
N° cinéfeuilles 588
Bande annonce (Allociné)

Critique

Après son remarquable LES HEURES (2002), le réalisateur américain porte à l’écran un drame qui aborde à nouveau le thème de la lecture. Mais, cette fois-ci, elle participe d’une initiation amoureuse et recèle un secret susceptible tant d’éclairer un être que d’engendrer une terrible culpabilité.

Alors qu’il n’avait que 15 ans, Michael Berg fait la connaissance fortuite d’une jeune femme de vingt ans son aînée. Le temps de quelques mois, avant qu’elle ne disparaisse d’un jour à l’autre, ils deviennent amants et ponctuent leurs rencontres de moment d’intimité et de temps où Michael fait la lecture à Hanna (Homère, Eliot, Twain, Dickens, Tintin ou encore Tchekhov). Près de dix ans plus tard, alors que Michael, devenu étudiant en droit, suit le procès de cinq criminelles, gardiennes d’un camp de concentration, il découvre et reconnaît dans le box des accusées Hanna Schmitz. Cette dernière se défend mal, s’enfonce progressivement sous le coup des accusations dont elle est l’objet, y compris de la part des autres gardiennes accusées, et se voit condamnée à la détention à perpétuité. Michael ne manque aucune plaidoirie, pourrait peut-être même apporter un élément inédit, mais il n’intervient pas. Dix-huit ans passent jusqu’au jour où il reçoit une lettre de la directrice de la prison où est détenue Hanna…

Michael Berg est un homme de mémoire: mémoire de celle qui lui a fait découvrir l’amour, mais aussi mémoire douloureuse de l’Allemagne, l’une éclairant l’autre. David Kross impressionne par la chair qu’il donne à Michael, l’adolescent qu’il campe avec un subtil mélange de timidité et de candeur et que l’on retrouve, adulte, sous les traits de Ralph Fiennes. Avec lui, le sentiment de culpabilité qui le ronge et le questionnement qui l’habite s’expriment avec grande finesse au détour d’un regard, le temps d’un silence. Quant à Kate Winslet, qui vient d’obtenir un Oscar pour ce rôle, elle bouleverse et incarne avec grande conviction la secrète Hanna, que le spectateur, aux côtés de Michael, juge et condamne tout à la fois. On se souviendra également de ce professeur de droit à l’Université (Bruno Ganz), qui avait conduit ses étudiants à suivre le procès de criminelles nazies et s’interrogeait sur la faillibilité de la justice, sans oublier Julia (Hannah Herzsprung), la grande fille de Michael, Julia à qui peut-être ce père se dévoilera enfin.

Au travers d’un film tout en retenue, Stephen Daldry n’hésite néanmoins pas à montrer la passion (sexuelle) qui unit le jeune Michael à Hanna. Il le fait non par complaisance, mais pour faire comprendre ce qui se joue d’indélébile dans cette initiation. N’est-ce pas ce qui tout à la fois permettra à Michael de devenir adulte et le conduira à porter bien longtemps un lourd secret? Responsabilité et culpabilité ne vont pas toujours de pair: alors Michael aurait-il dû dire ce qu’il savait? Le voulait-il? Le pouvait-il? Chaque spectateur répondra lui-même à ces questions que pose cette émouvante adaptation réussie, malgré quelques inflexions, du roman de Bernard Schlink.

Serge Molla